Etant attendu ce midi à Villard de Lans, direction l’épaule du Cornafion. La météo annonce vent variable faible à 1500, en principe à 1800 ça ne devrait pas être bien plus fort. La neige est présente seulement dans les combes nord, et n’offre pas vraiment un obstacle pour accéder au sommet par la face sud qui est soumise en ce moment aux rayonnements intensifs d’un soleil généreux. Le départ de Villard est superbe, Avant la montagne, il faut traverser une campagne riante et verte dont les prairies sont ponctuées de taches de couleurs. Ici les piafs chantent à becs déployés ce qui tranche avec le boucan monotone des automobiles de Grenoble. L’air est d’un calme qui semble annoncer une journée paisible.
La montée est agréable par des chemins dont les tracés laissent à penser un ancien usage agricole à l'époque intensif, aujourd’hui réduit à une exploitation forestière ultra mécanisée. La dernière pente exposée au sud est raide et pénible, malgré un petit thermique qui me pousse doucement. Au sommet un rapide tour d’horizon confirme la météo. Pas de vent bien défini, ce sera donc le départ sud, malgré la présence d’une belle corniche de neige, elle souligne les contours du relief d'un seul trait blanc en bordure de la face. La voile est dépliée, étalée, le baudrier enfilé, reste plus qu’à attendre le prochain thermique. Au lieu de cela, c’est un vent arrière qui se fait sentir, d'abord léger puis de plus en plus insistant. Au bout de quelques minutes j’ai la voile entourée autour des chevilles. J'ai l'impression d'être comme le pistil d'une gigantesque corolle orange, un énorme lys orangé. Qu’à cela ne tienne, le départ nord est au même endroit, il suffit de pivoter d’un demi tour. Le temps de tout remettre en place, l’incertitude n’est plus de mise, c’est bien au nord qu’il faut décoller. Le vent est maintenant si fort que le décollage face à la voile est plus pratique.
Hop... je vole c’est indéniable, mais je n’avance pas ! Quelques allers et retours plus tard devant le déco, je sens bien que quelque chose ne va pas, je suis comme dans les montagnes russes, un vrai yoyo. Alors je préfère m’écarter du relief. Il me faut passer une zone assez turbulente où le contrôle de la voile n’est pas superflu. Fermeture à gauche, fermeture à droite, j’avance en crabe dans un courant chaotique. Pour une journée sereine, ça commence mal. Je vais donc sagement vers l’attéro, directement. Mais le vol s’éternise et me chahute, alors une petite série de 360 s’impose, vu la taille de la voile et de mon poids, ça part très vite et au bout de 4 tours je sais déjà plus où j’habite.
Alors que les oncles et cousins attendent impatiemment ma démonstration de précision d’atterrissage, prestation initialement prévue à 10 mètres de la maison, je préfère renoncer. La manoeuvre s'avère un peu délicate au milieu des habitations et des rafales. La famille sera déçue mais ce n’est pas bien grave, mieux vaut un trouillard posé dans les pois qu’un héros perché sur le toit. Plus au nord, il y a tout ce qu’il faut. C’est finalement dans un solide vent de nord sur une belle prairie dégagée de tout obstacle que je me pose comme une fleur, au milieu des autres.