Sortie :


Partis en avance à Toulouse, cela me laisse une opportunité totalement imprévue ce vendredi pour un petit tour au Pic du Gar. Je laisserai la caisse à Fronsac, le dénivelé est plus important mais on atterri à coté du parking. A l'aube, pendant tout le trajet jusqu'au départ, la lune est restée visible à travers la vitre du toit, elle m’observe, seulement voilée par de fins nuages bas. Pas âme qui vive à Fronsac, pas plus d’ailleurs sur le parcours. Au col d’Esputs, les nuages m’ont tout à coup enveloppé et la perspective du vol m’est apparue comme le paysage : fantomatique! Peu importe, les occasions de faire une belle balade en montagne risquent d’être rares pour ces trois prochaines semaines alors le moyen de locomotion pour la descente est le cadet de mes soucis, l’essentiel est le sommet. Le fin voile diaphane de ce matin s’est transformé au cours de la matinée en une voûte uniformément sale et grise. Si le plafond commence à 1250m, ça risque d’être épais.

Alors que je m’attendais à rester dans la purée de pois, au détour d’une crête, la lumière est devenue soudain plus forte, les ombres ont commencé à se dessiner, les couleurs si particulières des Pyrénées m’ont brusquement sauté au visage et finalement les rayons obliques du soleil matinal sont venus baigner cette forêt de feuillus aux troncs clairs. Le brouillard s’accroche une dernière fois entre les arbres, troublant joliment la lumière, mais la chaude irradiation finit enfin par dissoudre cette brume à la façon d’un changement de décor entre deux scènes. Visions fugitives mais inoubliables. Avec les années, je goutte toujours plus ces instants suspendus où le temps change radicalement. Je reprends alors ma longue marche, satisfait d’évoluer au dessus de la mer de nuage. Sur la pente terminale, je sens bien que l’air est calme, la seule inconnue pour m’autoriser le retour par les airs sera la dislocation de cette mer dont les dimensions immenses se dévoilent au fur et à mesure de mon ascension dans les prairies. Je sais par expérience qu’ici, bloquée par la chaîne de montagne, l’humidité océanique peut fort bien assiéger les reliefs, et venir à bout de ma patience. Mais je m’en fous, l’air est limpide, le spectacle magnifique, je suis bien.

J’arrive au sommet à 9h30, je me donne jusqu'à midi avant de redescendre par le sentier. La mer de nuages s’étale vers le nord à perte de vue, en l’observant de près, elle ondule paresseusement, tantôt basse, tantôt venant me lécher les pieds, comme un lent ressac sur les rivages de mon île isolée. La nappe est d’une blancheur éclatante et quelques cumulus viennent donner un peu de relief à cette plate étendue immaculée. Cette épaisse couche cotonneuse n’a pas l’air fragile et plutôt bien soudée…. Pourtant vers 11h, petit à petit, un sillon se creuse dans l’axe de la vallée, puis des taches sombres apparaissent ici et là, et bientôt des villages lilliputiens se découvrent. Il n’aura pas fallu plus d’une quart d’heure pour que cette belle mer ne se dissipe, autorisant du coup un décollage vers Fronsac.

Je décolle pour un vol contemplatif d’anthologie, entre les gigantesques cumulus. Il reste encore d’ énormes étendues d’écumes tout contre les reliefs, je les survole facilement, accompagné de deux vautours. Ils ont une fameuse envergure et ne donnent pas un coup d’aile, je peux observer jusqu’au détail du bout de leurs ailes puisqu’ils sont juste en dessous de moi. A l’extrémité de leurs voilures, ils possèdent des petites plumes sombres et isolées, comme autant de doigts agiles ondoyant au gré du vent, les rémiges. Le gris de leurs plumages contraste avec le blanc lumineux des nuages. Ils glissent vers d'autres cieux avec une grâce infinie. La suite est un long slalom entre de blanches îles flottantes paresseuses et débonnaires. Au loin les hauts sommets pyrénéens brillent déjà sous un chaud soleil. C’est une belle journée qui s'annonce et une fois au sol, je savoure ce qui vient de se terminer. Instants fugaces et magiques maintenant enregistrés dans ma pauvre mémoire, je saurai les raviver dans les moments opportuns.

Pas de photos…..

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Données de la sortie

  • Date :
  • Durée :
  • Dénivelé :
  • 03-08-2007
  • 3h30
  • 1300 m


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