Week-end maussade de chez maussade, pourtant à mon réveil, à travers la fenêtre, la crête du Sornin émerge d'un éclat particulier, elle capte toute mon attention. Après un solide petit déjeuner accompagné du divin Mozart – celui des symphonies de jeunesse – je reste dans l'expectative... A gauche il pleut, à droite c'est bien clair sous un haut plafond de brumes stratosphériques... étant données les perspectives, y faut y aller.
Le parcours pour se rendre à Sassenage est fait avec les essuie-glaces... Finalement au parking, il ne pleut plus, alors j'entame la marche guilleret.... Mais pas longtemps. Un chasseur en poste un peu plus haut - à l'orée du bois - me déconseille carrément de poursuivre, un rideau d'averses se dirige vers nous. Belledonne se dissout dans la grisaille, la lumière diminue doucement et bientôt les feuilles résonnent sous les gouttes, des notes d'abord espacées, avant de se transformer en un bruit continu de cascade. L'anorak est jeté sur les épaules en guise de poncho, plus question de s’arrêter, de toute manière il pleut à intervalles réguliers depuis l'aube.
C'est un peu découragé que j'arrive au plateau du Sornin, il tombe des cordes depuis plus d'une heure et je suis trempé. Même les deux patoux ont perdu leur hargne habituelle, ils passent dégoulinant à mes pieds sans même daigner grogner, tout au plus quelques jappements lointains sans agressivité aucune, pourtant nous sommes entourés de centaines de moutons.... L'auvent d'une des cabanes sera mon refuge en attendant que l'averse cesse. J'enfile l'unique pull sec qui me reste non sans avoir ôté le teeshirt qui est bon à essorer... Pour parfaire l'ambiance, un épais brouillard m'encercle maintenant. Au bout d'un bon quart d'heure, malgré le bruit des gouttes sur le vieux chêne, je tends la main pour me convaincre qu'il ne pleut plus : Plus rien ne tombe !! En fait c'est juste le grand arbre qui s’égoutte dans le vent !
Alors il faut reprendre la marche, d'abord dans le brouillard, puis des éclaircies en aval apparaissent. Plus haut dans le dernier raidillon, trois border-coolies viennent à ma rencontre joyeusement, annonçant la bergère qui apparaît comme une fée des brumes charmante, elle me questionne sur ses patoux, ne m'ont ils pas indisposé ? Avenante et sympathique, nous commençons une petite discussion... Mais quand subitement elle me montre la vallée derrière moi, je prends un coup de sang.... Elle est complètement dégagée, le vent est bon, tous les voyants sont au vert ! Peut-être bien qu'elle m'a pris pour un sauvage, j'ai coupé court à la discussion en lui disant que j'allais rater le créneau pour cinq minutes.... Gentiment elle s'excuse de m'avoir dérangé, pour ne pas la vexer je prétexte un vague retard de ma part.... Et je détale vers le sommet. Plus j'en approche,plus la mer de nuage m'encercle dangereusement de toutes parts. Au sommet il n'y a plus d'urgence, on y voit plus rien, ni de près ni de loin....
Dépité, j’étale quand même la voile d'autant que le vent est parfait. La bergère s'est postée en contrebas. Non, ce n'est pas moi qu'elle observe, mais plutôt ses moutons dont elle craint la perte avec ce brouillard à couper au couteau.... Après un certain temps à observer le gris qui m'entoure, petit à petit une fenêtre inopinée s'est ouverte, d'abord timide puis franche.... Je saute dans la sellette et m'envole sans attendre le retour de la brise bizarrement tombée complètement. Je passe à 10m de la bergère, elle me salue pendant que je prends la direction la vallée. C'est marrant l'éclaircie est pour moi tout seul, j'en suis au centre, tout le long du vol, les brumes se ferment derrière moi tandis que la vallée s'ouvre, étonnant !
Le vent du sud est bien présent, mais au sol il semble être bien faible si l'on en juge a la surface lisse des différents plans d'eau en dessous. Effectivement c'est même une très légère brise de nord contre toute attente.... La voile me tombe dessus. Le plus dur aura été de trouver une grange pour plier la voile, car les champs et les routes sont encore gorgés d'eau.