Ne voulant rater aucune opportunité, aussi courte soit elle, ce matin je me charge de la voile (par les temps qui courent le voleur-randonneur est sur les crocs). Après une première pluie matinale et drue, une belle éclaircie se dessine, ce qui me conforte dans mon choix. Faire du stop en semaine à Sassenage n'est pas une entreprise hasardeuse, le trafic est dense. Je me fais déposer sous les Brets, car le sentier qui monte par là est autrement plus sympathique que la grande piste d'Engins.
Un épais brouillard m'enveloppe vite donnant un ton mystérieux aux formes sombres qui sortent de la brume au dernier moment. Parfois une timide éclaircie, et puis non c'est le retour de la brume terne et humide. Le vieux chemin empierré est agréable, au détour des virages, il me semble parfois voir apparaître un paysan d'une autre époque, comme si le temps n'avait plus cours ici. Une ambiance singulière où les anciens murs tout moussus, les quelques ruines ou le ruisseau canalisé paraissent figés pour l'éternité. Ne faisant que passer, il est impératif de ne rien laisser dans ce décor intemporel.
L'arrivée au hameau du Sornin est un grand moment. A la faveur d'une éclaircie, les petites maisons se dévoilent dans un cadre magnifique, la prairie est tapissée de millions de boutons d'or, le brouillard s'étire encore sur les plus haut sapins, tandis que dans les fourrés, invisibles, des chasseurs en quête de traces discutent le bout de gras. Faute de pouvoir tirer, ils préparent le terrain, repèrent quelques vagues sentiers que prendraient le gibier, se remémorent les exploits passés. Pour ma part, je goute au spectacle des éclaircies fugaces jusqu'au sommet. La solitude est totale, les formes douces du plateaux sont apaisantes, elles ondulent sous l'effet de la lumière changeante. Pour la première fois, je passe par le vrai sommet. On y accède par une grande traversée, en passant prêt d'une doline dont j'ignorais même l'existence.
C'est bien joli tout ça, mais est-ce que cela va se dégager suffisamment pour un envol toujours savoureux ? Et bien non, je n'aurai pas la patience d'attendre l'éclaircie. Rester sur le sommet sud pendant 1h30 est déjà une épreuve pour moi qui suis d'une impatience excessive. Pourtant par deux fois, la vue s'est étendue par delà le hameau du Sornin. Finalement à midi pile je renonce à attendre d'avantage, pourtant avec une instabilité pareille le ciel peut changer du tout au tout.
En redescendant, une grosse averse me surprend, elle se termine aussi soudainement qu'elle avait commencer avec cependant une tendance à absorber toute l'humidité ambiante. Une fois à Engins, il me reste à redescendre en stop. Le temps d'attendre un véhicule et son sympathique chauffeur, le sommet du Sornin se dégage totalement.... il est 13h30, il aurait fallu attendre là-haut plus longtemps pour voler, mais ce n'est pas grave, pouvoir profiter d'une nature si belle alors qu'il n'en fini plus de faire mauvais est finalement ce qu'il y a de plus important.