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Cela faisait un moment que j’avais envie d’aller voir un lever de soleil depuis l’Aiguillette seulement voilà : mon syndrome de la "chèvre de M. Seguin" complique les choses car il est hors de question pour moi de monter là-haut pour le coucher de soleil, alors que l’Aiguillette et son vallon sont dans l’ombre ténébreuse du Grand Veymont depuis le milieu de l’après-midi.
Donc cela imposait de trouver un autre endroit pour le coucher de soleil et d’un côté j’avais un prétendant : le sommet de Tourte Barreaux à l’ouest de la bergerie de Peyre Rouge, qui s’élève remarquablement pour dominer tout ce joli coin. Et je me rappelle être passé souvent à son pied en ayant envie de monter en haut de ses pentes faciles pour mieux comprendre la géographie de cet endroit que j’aime tant. Problème en revanche : ça fait assez loin de l’Aiguillette et impose une bonne partie de la marche en nocturne. J’avais justement évoqué avec un ami photographe la possibilité de faire une "randonuit" un de ces jours donc ça pouvait être aussi l’occasion de se faire une idée de la chose.
J’étais d’autant plus décidé à retourner dans le Vercors (même si des bivouacs me tentent beaucoup dans d’autres massifs) que j’attendais toujours un premier vrai bivouac estival en cette année 2013 ; et à voir des photos récentes de Belledonne ça restait encore très blanc là-bas… Le bon coup de froid orageux de lundi a néanmoins refroidi mes ardeurs et je m’imaginais déjà grelottant à mon bivouac en attendant impatiemment le lever de soleil ; du coup lundi soir j’avais abandonné mon projet.
Mais mardi matin j’étais réveillé tôt et la raison est revenue : le temps était annoncé beau et stable, pas trop chaud. En cette année 2013 c’était vraiment idiot d’abandonner une opportunité de ce genre. Du coup j’ai rapidement bouclé le sac et je suis parti pour Saint Michel les Portes.
Le parcours prévu (et fait) était le suivant : monter au pas des Bachassons, descendre à Peyre Rouge par la sente qui part du pas de la Selle et une fois à la bergerie de Peyre Rouge, monter au mieux au sommet de Tourte Barreaux. Ensuite remonter vers la Queyrie, les Bachassons et remonter au col entre les Veymont pour poser le bivouac. Le lendemain retour rapide par le pas du Fouillet.
Il y avait pas mal de monde au parcours aventure, pas de quoi encore sentir la montagne aventureuse… Mais rapidement ensuite le sentier s’est fait plus calme dans la forêt, en traversant par ci par là des torrents dans des lits d’éboulis.
En sortant de la forêt la pente se redresse et j’avoue que je traînais un peu la patte pour monter ; ça m’a semblé un peu long et fastidieux, heureusement que le cadre est beau avec déjà les falaises érodées de l’Aiguillette et de Peyre Rouge qui occupent le regard. Puis la pente redevient insensible et le sentier chemine un peu dans une sorte de petit canyon terreux pour finalement déboucher au pas des Bachassons (où le débit de la source était excellent). Même s’il était déjà un peu tard j’ai poursuivi jusqu’au Montaveilla pour pique-niquer. C’est un paysage qui m’est assez familier mais je ne m’en lasse pas : c’est un endroit qui dégage vraiment une belle ambiance et les edelweiss sont en nombre sur les pelouses en ce moment. Puis je suis redescendu vers la petite cabane de berger fermée où un jeune couple d’étrangers devisait sur sa carte en se demandant où ils étaient. Ils devaient se rendre à Pré Peyret et il m’a semblé plus judicieux de leur conseiller d’y aller par les Bachassons et la Queyrie plutôt que par Peyre Rouge ; j’espère qu’ils y sont arrivés !
Ensuite j’ai redescendu cette jolie sente de Peyre Rouge, toujours aussi perdue à souhait. A la jonction herbeuse en provenance de la Queyrie je suis tombé sur le berger et son troupeau et j’ai réalisé que les patous offriraient peut-être la phase la plus sportive de la marche nocturne projetée.
Je suis parvenu rapidement à la bergerie de Peyre Rouge d’où j’ai poursuivi à vue vers Tourte Barreaux. La montée est sans difficultés et finalement assez rapide. Une fois là-haut j’ai bien apprécié le point de vue qui permet de bien comprendre la morphologie des alentours, et j’ai pris le temps de faire le tour de tout le petit plateau sommital : la vue embrasse large avec la prairie de la grande Cabane, le Grand Veymont et la Queyrie, les rochers du Parquet et Peyre Rouge, le secteur du Pas de l’Aiguille et la Tête Chevalière ainsi que la Montagnette, et enfin les 4 chemins avec au loin le Glandasse.
J’ai attendu tranquillement là-haut le coucher de soleil ; le seul inconvénient était le vent qui soufflait vraiment assez fort. Heureusement que j’avais emmené une bonne pelure ! L’autre petit souci, mais qui m’a bien fait enrager, est que j’avais oublié de remettre le plateau rapide sous mon appareil photo après avoir utilisé récemment son filetage (chose rarissime)… Donc j’avais le trépied mais pas de quoi mettre l’appareil dessus… Pour quelqu’un qui essaye de réduire un peu le poids de son sac à dos il n’est déjà pas évident d’emmener un trépied photo mais si en plus c’est pour ne pas l’utiliser, ça confine à la provocation ! Enfin je me suis débrouillé comme j’ai pu en accrochant l’appareil au sac à dos mais c’est quand même bien plus limitant et moins pratique…
Le soleil baissait doucement, j’ai largement profité de mon excellent poste d’observation pour suivre les évolutions du troupeau de Peyre Rouge et voir où il serait parqué la nuit afin d’éviter le secteur en marche nocturne. J’avais deux possibilités principales pour limiter le hors sentier : soit redescendre vers Pré Peyret et remonter le vallon de la Queyrie, soit redescendre vers la bergerie de Peyre Rouge et rejoindre la Queyrie au-delà du pin taillé. Le suspense est resté longtemps car le troupeau oscillait constamment entre ces deux axes mais finalement à l’approche du coucher de soleil j’ai vu qu’ils parquaient le troupeau pile entre les deux axes, un peu au nord ouest de la bergerie. Du coup la descente s’est faite au plus rapide : vers la bergerie.
Le coucher de soleil était beau même si hélas les ombres gagnent vite la Queyrie qui est bordée par la Tête de la Graille. Du côté du Dévoluy et de la Tête Chevalière les teintes étaient jolies également. Une fois les ombres généralisées je suis redescendu rapidement, j’ai retraversé le plateau désert autour de la bergerie pour remonter vers le haut de la Queyrie. C’est vraiment une sente que j’aime beaucoup : c’est le terrain le plus rocailleux du coin et pourtant la sente semble avoir accumulé toute la science des bergers. On chemine aisément et sans grand effort en exploitant toutes les faiblesses possibles et on ne tarde pas à déboucher sur la belle prairie qui précède le vallon de la Queyrie ; c’est vraiment bien plus agréable de monter par là que de le faire depuis Pré Peyret. Sur le haut du vallon il commençait à faire très sombre. Je suis repassé à la source des Bachassons car je n’avais presque plus d’eau et il était temps d’allumer la frontale car la nuit était quasiment là.
J’ai poursuivi en nocturne, avec la silhouette des Veymont qui se détachait un peu sur le fond du ciel étoilé, et en étant guidé par une petite lueur de bougie qui s’échappait de la cabane des Aiguillettes plus bas. Il devait être près de 22h30 et j’ai été pris d’un nouveau coup de flemme : pourquoi ne pas se contenter de la cabane s’il n’y a pas plus d’une ou deux personnes plutôt que de poursuivre pour aller planter la tente là-haut en plein vent ?
Je suis arrivé à la cabane au moment où les 6-8 personnes qui l’occupaient en sortaient pour fumer une cigarette ; il y avait également quelques tentes plantées à côté… Donc ce fut aussi clair que rapide : je continue au point prévu, le col entre les deux Veymont ! Au final je ne me suis pas trop perdu même si la montée de ce vallon n’est pas complètement évidente dans le noir, avec des bouts de sente un peu partout. J’ai d’ailleurs fini par buter sur une petite barre rocheuse qui m’a laissé assez désorienté car je n’avais pas du tout ça en tête (en fait le lendemain j’ai compris : je suis passé pas mal plus à l’ouest, dans le creux, que d’habitude). Enfin pour l’essentiel elle se contournait sans difficulté et j’ai enfin aperçu la prairie du collet qui se détachait. Contrairement à mes craintes le vent n’était pas trop sensible, à condition de trouver un petit aplat protégé juste sous la crête ce qui fut fait rapidement. Le bivouac était même 3 étoiles, sur un lit de fenouil sauvage assez épais : j’aurais même pu me passer de tapis de sol. Il ne devait pas être loin de 23h30, j’ai réglé le réveil pour 6h le lendemain, j’ai bu une rasade de Chartreuse jaune et je me suis endormi très vite (et c’est assez rare pour le noter : la nuit fut excellente).
Enfin la clarté du jour naissant m’a réveillé et le réveil n’a pas tardé à sonner : il était temps de se lever. Je suis monté rapidement à l’Aiguillette, l’ambiance était vraiment chouette, seul le vent toujours aussi tempétueux était toujours gênant.
Le soleil s’est levé : instant toujours magique, mais là d’autant plus avec le Grand Veymont et toute la chaîne qui s’illuminent !
J’ai pris un long moment à photographier tout ça. Puis le soleil montait, il était temps de commencer à descendre. J’ai vu rapidement quelques jeunes bouquetins qui se rassemblaient avec leur mère et je me suis posé pour regarder. Le spectacle était surprenant : ils se sont bien retrouvés à une vingtaine et se sont mis à jouer en descendant en tourbillonnant la pente herbeuse de l’Aiguillette. Une fois plus bas ils se donnaient quelques coups de corne et remontaient pour une nouvelle descente en roulé boulé. Étonnant et amusant ! Dommage qu’ils n’aient pas été au soleil ça aurait fait de belles photos.
Enfin je suis redescendu tranquillement : les premiers randonneurs du jour étaient déjà au sommet du Veymont et d’autres montaient. J’ai suivi la crête qui mène au pas du Fouillet en profitant encore de la présence de quelques bouquetins et marmottes puis j’ai descendu ce pas que je n’avais jamais fait en totalité : une bonne main courante l’équipe (sans qu’il ne soit très vertigineux cela dit). La fin de la descente s’est faite sans histoires, même si à 10h du matin la chaleur était déjà sensible dans la combe.
Une belle balade donc au final : un premier vrai bivouac estival pour cette année 2013 et de vieux rêves de photo accomplis.
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