Voilà une bien jolie sortie, tout commence bien, le ciel est lumineux dès la fin de la nuit et l'autostop marche super bien, il faut dire que ça monte à flot ininterrompu, la quatrième voiture est la bonne, c'est un skieur de fond catastrophé du manque de neige. Il suffit de s'adapter : pas de neige, je prends la voile surtout quand la journée est annoncée calme.
Plutôt que de monter par Engins et sa piste trop carrossable, j'opte pour le petit sentier confidentiel qui passe au Fournel. Le skieur de fond me laisse donc en pleine nature sous la ferme des Brets. L'ambiance au passage de la ferme est toujours étrange. Encore à deux cents mètres de distance, j'écrase une brindille sous ma chaussure, la réponse est immédiate, un concert d'aboiements et de cris... Arrivé à hauteur des bâtiments, mon salut matinal de la main m'est rendu, signe de bienvenu, tant mieux. Les jappements ne cesseront qu'une fois hors de vue. La suite est un enchantement, le soleil filtre à travers les arbres nus, le vieux chemin de pierres déroule son histoire au gré des pas. Une nouveauté cependant, deux parkings à grumes ont été creusés à coup de bull il y a quelques années, ce ne sont pas des arrangements de vieilles pierres jointes mais plutôt un revêtement grossier de gravats.
La sortie de la forêt est un grand moment, les belles prairies brillent sous un ciel pur, ce n'est effectivement pas la neige qui va me gêner aujourd'hui, il n'y a quasiment plus rien. En me retournant on ne distingue pas grand chose de la vallée, est-ce de la brume ou une mer de nuage? A y regarder de près c'est bien une brume légère et fine, elle ne devrait pas gêner le vol. Au sommet règne une grande quiétude, j'adore ce coin, de grands sapins sombres ici et là sur une immense prairie vallonnée. Évidemment à cette époque de l'année, il n'y a pas trop de fleurs mais enfin, ce gazon anglais n'est pas pour me déplaire.
J'en profite pour téléphoner à Sassenage, pour savoir si le vent a faibli car ce matin il était vraiment fort. Pas de problème, cependant je préfère atterrir vers la route du barrage, les champs y sont plus vastes et dégagés, on peut atterrir en marche arrière - au cas où. La petite brise de sud permet un envol délicat pourvu que l'on sache prendre en compte la dérive dûe à un décollage un peu en travers. Il faut faire monter la voile tout en acceptant que celle-ci vous pousse gentiment sur le côté, ne surtout pas la contrarier et adapter sa trajectoire, elle sera donc légèrement incurvée avant de prendre la bonne direction et feu.
Vol splendide par dessus la grande forêt, soudain une puis deux détonations me font sursauter dans la sellette, le tir est tout proche, juste sous mes pieds à cent mètres roule une bestiole, flinguée en pleine course dans la pente raide, elle s'immobilise définitivement... Je reste dubitatif. La suite du vol est heureusement plus calme. Le vent du sud est bien présent mais absolument constant, il ne reste plus qu'à jouir des dernières minutes au taux de chute mini, c'est bien le seul moyen aujourd'hui de prolonger ce long vol vers la profonde vallée.
A l'atterro Thierry est là, il ne reste plus qu'à plier la voile avec difficulté car la brise bien que régulière, n'en demeure pas moins assez forte, la voile est agitée de spasmes comme si elle en voulait encore... Elle finira pourtant dans le sac un brin chiffonnée sans doute, mais de toute manière, sa remplaçante est commandée!