Hier Laurent propose une sortie après taf, le Chamechaude, c'est que ce n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd ! C'est ainsi que, contrairement à mes habitudes du matin, la sortie commence à 17h, Finalement Laurent ira plus tard vers le Charmant Som me laissant seul à mes affaires. Après une montée bien agréable jusqu'au col de Porte sur cette moto démoniaque, il faut changer de mode de locomotion et passer à la marche, c'est d'ailleurs tout aussi plaisant que la bécane.
À 17h30 depuis le parking les nuages qui devaient être absents sont bien là sur le sommet convoité. Qu'importe, puisqu'on est ici, autant y aller. La lumière déclinante sur l'horizon n'a rien à voir avec le ciel du matin. L'ambiance est tout autre, comme si la nature s'apaisait après une lutte. Par le plus grand des hasards une course de cinglés est organisée au même moment, le but est de monter le plus vite possible au sommet. Déjà le haut-parleur harangue les foules, il va falloir mouiller le maillot, pousser la machine dans ses derniers retranchements. Pour ma part au contraire je veille à ce que le palpitant ne dépasse pas 130. J'évolue dans la nature sans aucune pression, attentif aux pépiements d'oiseaux ou à l'écoulement d'une source. Loin de toute cette agitation futile, j'avance vers mon objectif.
Mauvaise nouvelle cependant, le ciel qui, je le répète, devait rester bleu tout au long de la journée, prend des tournures sinistres et déprimantes. Je revois mes objectifs à la baisse, plutôt que de monter au sommet où je ne verrai rien, j'opte raisonnablement pour la brèche Arnaud. Peut-être aurai-je la chance d'être sous le plafond laiteux. Hélas les nuages sont à toutes les altitudes. Pourtant tout en bas, le toit d'une petite maison brille invariablement, signe d'un ciel étincelant dans la vallée, aussi la voile est-elle dépliée sans attendre. C'est à ce moment que les cinglés arrivent par grappes, haletants, suants en trottinant par les raccourcis qui ravagent les sentiers. Depuis ma sellette j'observe dubitatif cette peine stérile...
Patiemment, j'attends mon heure et à la faveur d'une éclaircie je change de planète. Bienvenue dans un monde meilleur, celui de l'air et de l'espace. Il convient d'abord de quitter ces nuées sombres qui m'entourent puis, comme à l'accoutumée, il faut rejoindre le thermique de Palaqui. Encore une fois ce dernier est bien présent, il est là, doux, accueillant et chaud. Il suffit alors de mettre la voile en un large virage et d'enrouler. Le thermique du soir - la restitution - a cette caractéristique d'être particulièrement agréable. Une fois bien inscrit dans la brise, il suffit de se laisser bercer et de tourner jusqu'à en être grisé. Le soleil et la montagne alternent à chaque tour, l'éclairage des falaises change sans cesse, c'est un moment unique et rare auquel jamais je ne m'habituerai. Quel plaisir entêtant de tourner ainsi dans l'azur.
Alors que les ombres s'étirent à l'infini dans les vallées, le Chamechaude reste invariablement lumineux, il brille de mille feux sous le soleil rasant. Pourtant après plus de 40 minutes de sarabande joyeuse dans l'éther, le thermique tire enfin sa révérence, il ne reste plus qu'à se laisser glisser vers l'ombre paisible tout au fond. Atterrissage tranquille à quelque mètres d'un bambin émerveillé tout autant que son père qui le serre dans ses bras.
Demain soir j'y retourne ! Non je plaisante.