S'affranchir de la pesanteur !
S'affranchir de la pesanteur !, voila l'objectif du jour... Le sommet phare du plateau du Trieves, le Bonnet de Calvin, sera le théâtre de cette tentative. Mais pour atteindre le nirvâna, il convient d'abord d'emprunter le petit sentier qui serpente à travers une pinède singulière, c'est une forêt clairsemée de pins noueux dont les sous-bois sont lumineux et couverts de mousses tendres et épaisses. Un petit ruisseau occupe le fond du vallon, il entretient un tintement feutré en raison d'un lit constitué de pierres soigneusement jointes où l'eau s'écoule facilement. C'est au siècle dernier que les hommes ont aménagé ce vallon propice à la rêverie, Schubert aurait pu y composer un lied tranquillement à l'ombre d'un conifère. Pour ce qui est de l'ombre aujourd'hui il aurait été servi, le soleil ne passe même pas par dessus la puissante Aiguille de l'Obiou, c'est un vrai frigo. Moi qui ai choisi cette balade bien exposée aux rayons matinaux pour profiter des maigres calories du soleil de décembre.... c'est raté, alors autant monter sans attendre. C'est au col de la brèche que le soleil me salut enfin. Le temps est absolument magnifique et la solitude totale. Il suffit maintenant de remonter le fil vertigineux de la proue du Chatel tendue vers le sud.
Au sommet les conditions sont parfaites quoi qu'un peu fortes. Ce sera idéal pour un décollage sur place et s'affranchir d'un seul coup de la pesanteur. Quand je pense à l'autre abruti qui s'est enfermé dans sa boîte de conserve propulsée par des tonnes de carburant pour tourner autour de la terre en impesenteur, alors qu'il suffit d'un peu de marche et de quelques grammes de chiffon pour obtenir le même résultat : Planer dans le ciel bleu immense et immaculé. En plus avant le décollage, l'écoute attentive d'une musique planante de Nusra Fateh Ali Khan, le maître du qawwalî, permet de se préparer aux délices du vol, c'est plus efficace qu'un joint de cannabis et par dessus le marché totalement légal !
Au loin le massif de la Chartreuse brille au dessus d'une sombre mer de nuages qui occulte la ville de Grenoble. Vers l'orient les sommets éclatants des Ecrins se découpent dans un ciel céruléen. Et sous mes pieds coule paisiblement de lacs en lacs la rivière domptée du Drac. Le vol est une pure jouissance dont on ne voudrait que jamais il ne se termine... il est dur de partir d'un tel cadre.... pourtant il le faut bien. Après une belle et agréable balade aérienne le long des crêtes sommitales balayées par un vent favorable permettant de profiter encore et encore de l'air raréfié et glacial, il est temps de descendre vers Cordéac et la civilisation. Les deux grandes éoliennes sont figées, la brise en vallée est calme, rien n'est plus facile que de retrouver le plancher des vaches.
Le retour aux affaires est un pur délice avec ces conditions magiques, il faut en profiter encore et encore !