Bien que la météo annonce un renforcement du vent de sud, c’est le Sornin qui remporte tous mes suffrages. Faire du stop un dimanche matin au rondpoint de la cascade à Sassenage, alors que les stations sont fermées, demande un optimisme débordant : pas une voiture ne monte. Pourtant après quelques voitures de luxe d’hommes d’affaire pressés, une modeste mais élégante C3 me prend en charge, pour me déposer exactement au départ de la balade ! La sortie s’annonce sous les meilleurs auspices.
Arrivé aux chalets du Sornin c’est l’extase, le temps est magnifique, les prairies verdissantes sont parsemées d’un tapis de crocus, il flotte dans l’air une impression de sérénité absolue. Pourtant celle-ci ne durera pas, à l’ultime approche du sommet, dont le sentier m’a mené par l’ouest et sa forêt protectrice, le vent su sud s’est subitement fait sentir. D’abord un souffle anodin, mais qui s’est amplifié graduellement jusqu’au dôme sommital d’herbe rase. A la première impression le décollage n’est raisonnablement pas du domaine du possible. Néanmoins, à la faveur d’une accalmie et en prenant soin de déplier la voile un peu plus bas, l’éventualité d’un vol ne m’a pas parue invraisemblable.
La voile est donc grossièrement étalée, un coup d’œil sur mes arrières suffit à me rassurer quant à une hypothétique reculade incontrôlée. Le vent siffle dans les ficelles, le tissu est secoué de spasmes. Pour la sérénité on repassera, je suis tendu comme un string. La brise n’étant pas d’une constance métronomique, c’est au moment d’une accalmie que je tente un gonflage, la voile monte d’un bloc mais refuse de se mettre en position de vol, elle reste bizarrement légèrement en arrière comme en décrochage. Pas moyen d’avancer vers la cassure. Sans insister je repose la voile qui se positionne maintenant parfaitement dans le lit du vent… l’opportunité est trop belle, à l’accalmie suivante, une micro impulsion, la voile monte correctement et tire immédiatement vers le haut. Etrange impression en vérité que de s’élever lentement dans le ciel sans la moindre vitesse horizontale.
Pas courageux pour deux sous, je préfère lentement me décaler en crabe vers l’est dans un air maintenant parfaitement laminaire. La suite du vol sera une longue glissade vers la profonde cuvette grenobloise. Par chance je repère rapidement le drapeau de l’air liquide qui flapi mollement dans la vallée. Cette oriflamme m’invite à pousser le vice à atterrir au plus près de la voiture, dans un beau champ cerné de petits pavillons de banlieue plutôt que de me retrouver à Pétaouchnok, dans les immenses champs dégagés qui bordent l’Isère.