Pourtant la balade au Charmant Som avait bien commencée, plein d’ardeur et de pugnacité, je m'engage sur le beau sentier au départ de Saint Hugues, dans la fraîcheur du matin. La forêt commence à dégager les senteurs musquées de l'automne, qu'il est bon de marcher sur ces chemins séculaires, même si les nuages bas tardent à se dissiper. Quand j'arrive au Collet, une courte pause me permet d'évaluer les conditions de vol, les nuages prennent de l'extension, il va falloir mettre les bouchées double pour la dernière partie de la montée. J'arrive haletant au sommet, Jacques est déjà là, Dominique l'aura monté à la bergerie.
Pas question de tergiverser d'avantage, mettez deux Pila sur un décollage et instantanément, à la suite de nos déductions systématiquement alarmistes quant à notre analyse des conditions, tous se pressent maintenant à décoller comme si une frénésie s'emparait de tout le site ! Jacques saute dans sa sellette et sans transition entame la procédure de décollage juste après un violent et pervers coup de vent arrière annonçant de puissants thermiques. Il disparaît rapidement dans les brumes tournoyantes. Je lui emboîte le pas sans plus attendre. Les autres restent coi devant tant de précipitations, pourtant il ne faut pas attendre que le ciel ne se referme.
Quand je sors du nuage, j'aperçoit Jacques qui radasse lamentablement beaucoup plus bas, j'exulte, il ne vas jamais remonter à mon niveau c'est sur ! Cependant je peine à la manœuvre, impossible de centrer correctement la moindre bulle, aussi vais-je téméraire vers l'arête de Berard, quand soudain un thermique me cabre la voile, c'est le moment d'enrouler, c'est quand j'ai fais demi tour que j'ai pris ma vilaine leçon, Jacques qui était tout en bas, il y a quelques minutes est maintenant dans la stratosphère à tutoyer les nuages. Agacé j'enroule comme un gros sale, rien à y faire, l'ascendance me lâche sitôt le tour terminé... j'enrage. Après une courte lutte contre les éléments, il faut bien se faire une raison, je suis nul. Alors, plutôt que de persévérer dans la voie futile que représente cette lutte fratricide, je lâche l'affaire et file vers l'atterrissage la queue entre les pattes.
Alors que je me pose frustré à côté du magnifique ensemble d'art sacré du regretté Arcabas, Jacques papillonne toujours autour de la lune qui, étrangement, refuse de se coucher aujourd'hui. Pour minimiser la rude leçon qu'il vient de m'infliger, il renonce modestement à tout projet de cross autour de la Chartreuse.... voila un bon frère !
La famille on y aime !