Merci Philippe !
Le programme de la journée étant extrêmement chargé, c’est avant le lever du jour que le parapente est fourré dans le coffre, direction la Peyrouse, un petit sommet débonnaire dont la particularité est d’être au centre d’un gigantesque plateau. C'est sur les tuyaux de Philippe concernant les bonnes conditions de neige que l'objectif est choisi. S’élever par le petit sentier vers la cime est une espèce de quête initiatique. Un peu comme le Tamino de la flûte enchantée, il faut progresser dans une nature généreuse mais semée d’embûches, la glace d’abord, elle rend la marche difficile et c’est avec la mise en place des petits crampons Yaktracks que je passe l’épreuve avec succès, le vent ensuite, dont la force augmente avec l’altitude. Si l’air passe avec bonheur entre mes doigts, ce qui me permet de ressentir pleinement la joie d’exister, tout à l’heure, quand il faudra déplier la voile, la brise risque de devenir une ennemie. Pour l’heure la marche est paisible sur cette épaule sud complètement déneigée.
J’arrive au sommet éblouissant de lumière, la cabane siffle dans la courant d’air venant du sud. La brise pourtant forte demeure fréquentable pour un aéronef de chiffon, la phase d’envol risque cependant d’être un peu mouvementée. En attendant, la vue insolente, depuis ce belvédère unique au monde, est vertigineuse. La barrière impressionnante du Vercors ferme l’horizon à l’ouest, avec le splendide Mont Aiguille en ligne de mire. De l’autre côté, le massif âpre de l’Oisans borne l’orient. Entre ces deux univers de glaces et de rocs passe le Drac, dont le courant est figé par d’impressionnantes retenues d’émeraudes étincelantes. Et derrière moi, Grenoble, noyé dans une brume pas vraiment attirante....
La neige ayant fondu sur le versant sud du dôme sommital, j’étale la voile en contrebas et empêche le tissu de faseyer dans le vent par quelques pierres astucieusement disposées sur le bord de fuite. Une fois prêt dans la sellette face au monde immense qui s’étend à perte de vue, j’attends mon heure, ce moment où la brise sera plus faible pour pouvoir gonfler le parapente. Après quelques minutes d’un souffle puissant, une accalmie se dessine, le sifflement des suspentes cesse tout à coup, c’est le moment de décoller. Un pas en avant et me voilà propulsé dans l’azur, la trajectoire, d’abord ascensionnelle et verticale, s’incurve bientôt vers la droite. Commence alors une petite séance de vol en stationnaire devant le sommet que je viens de quitter, minutes intenses comme suspendues dans le temps qui n’a plus prise.
Après avoir tourné jusqu’à la griserie, juste devant la cime lumineuse, ivresse qui ne tarde jamais a venir, je quitte mon nid d’aigle et commence une lente progression contre le vent, vers la vallée encore brumeuse. Le cheminement est laborieux face au vent, mais en entrant dans les couches inférieures, le calme reprend ses droits, m’offrant une fin de vol sereine et douce. Après avoir survolé le puissant barrage du Monteynard, je me pose dans le village éponyme, heureux comme un gosse qui a réussi son coup !