Il existe de part le monde deux montagnes sacrées à mes yeux, la première est le Pic Du Gar dans les Pyrénées, c'est en effet au pied de cette montagne que j'ai connu Hélène. La deuxième c'est le Grand Som en Chartreuse, cette altière cime surplombe le magnifique monastère fondé par Saint Bruno voilà huit cent ans, il souffle depuis ce vallon un vent de spiritualité quasi divin. Alors bien sûr dès que l'occasion se présente, nous retournons sur l'un ou l'autre de ces repères sanctifiés. Aujourd'hui c'est le Grand Som.
Le petit sentier qui se faufile dans la belle forêt cartusienne est agréable, il nous hisse sans trop d'efforts vers les hauteurs. Pourtant ce matin nous avons eu une frayeur, l'atterrissage est fermé pour cause de foin. Il ne nous reste disponible que le terrain de Perquelin dont l'accès par les airs n'est pas aussi facile... Du coup j'ai réfléchi toute la montée à des plans B tous plus farfelus les uns que les autres. Hélène, elle, ne semble pas se faire de souci. L'avantage de mes doutes perpétuels, c'est que je ne vois pas passer la montée que nous avons déjà faite plus de cent fois.
Là-haut nous attendent la grande croix de fer et un unique promeneur qui a bivouaqué dans la forêt. Le paysage est toujours aussi grandiose mais nous ne nous attarderons pas, il n'est que 10h et les signes d'une activité thermique puissante sont déjà installés. Effectivement nous décollerons simultanément sur place pour entrer directement dans les ascendances. La montagne est belle vue du sol, mais vue du ciel elle devient carrément somptueuse, comment ne pas être émerveillé ? Quand bien même 61 années d'existence pourraient en blaser plus d'un ! Les reliefs défilent en suscitant bien des émotions. En plus chaque pente au soleil génère un beau thermique qu'il est plaisant d'enrouler, mais bientôt nous préférons nous poser et partager notre joie d'être là.
Pour le retour, c'est pas simple, la caisse est au col de Cucheron alors que nous sommes en fond de vallon à Perquelin. Alors après avoir plié les voiles, je me propose de faire du stop sur la petite route où ne circule personne. Eh bien croyez-moi si vous voulez mais au bout d'une minute d'attente, la première voiture qui passe s'arrête, c'est un artisan dont la voiture est pleine raz la gueule de matériels. Il descend de sa voiture et vient me faire une place à côté de lui. Au bout d'un moment il me dit, ben quoi ? tu fais la gueule ? Là je comprends qu'il me prend pour mon frère Jacques qui est ici connu comme le loup blanc. Non, que je lui dis, je suis seulement son frangin. A partir de ce moment, Diego et moi étions les meilleurs amis du monde, et bien que le col de Cucheron ne soit pas sa destination, il m'y dépose 10 minutes plus tard !
Cette montagne est bénie !