Il faut savoir rester motivés quand on sait au lever du jour que les conditions ne peuvent pas être fameuses. En effet, le mauvais temps arrive et déjà le ciel est sombre, gris sous les nuages de haute altitude. Comme le vent du sud souffle là-haut, on se contentera de Saint Hilaire. Nous prenons le petit sentier non autorisé du Pal de Fer, un arrêté municipal interdit en effet son accès en raison d’un éboulement qui entretient un risque non négligeable de chutes de pierres. Si le début du parcours du sentier n’a pas changé, la traversée du ruisseau plus haut est complètement défigurée. La forêt a été balayée depuis le haut de la falaise sur 50 mètres de large par une impressionnante avalanche de pierres, le petit pont a complètement disparu ainsi que toute sa structure de maçonnerie. En lieu et place, un enchevêtrement de troncs d’arbres et de blocs gros comme des maisons barrent le passage. Il faut se faufiler entre les rochers branlants et surveiller que rien n’arrive d’en haut, la force de la nature est inouïe !
Nous arrivons au décollage pour retrouver la faune de Saint'Hil en attente de meilleures conditions, en effet il y a vent de cul sur toutes les plateformes d’envol. La sud nous semble la moins mauvaise, alors nous nous mettons en veille pendant que des groupuscules glosent ici et là, qui sur les nouveautés techniques, qui sur les derniers potins. Quelques bi-placeurs intrépides décollent quand même avec leur client, il faut bien vivre, ils se jettent avec plus ou moins de bonheur dans le trou. Pour notre part on attend sinon un vent de face, du moins un vent nul. Il ne tarde pas à venir alors on se prépare pour tenter un décollage quand soudain les flammes se retournent dans le bon sens, nous sentons d’ailleurs l’air sur nos visages. A partir de ce moment, c’est le rush, des dizaines de parapentistes surgissant de nulle part se précipitent sur les tarmacs. Comme on a déjà étalé au meilleur endroit, on est pénards, le seul bémol c’est que maintenant 50 paires d’yeux nous regardent et s’apprêtent à critiquer notre envol.
Déjà que les conditions ne sont pas fameuses, nous avons en plus la pression des spectateurs. Heureusement, aussi bien pour Hélène que pour moi, notre décollage se déroule à la perfection. Évidemment le vol ne sera pas à marquer d’une pierre blanche, il n’y a pas d’ascendance. En l’air c’est la foire, tout le monde se précipite à notre suite, bientôt le ciel gris est constellé de taches de couleurs. Alors que nous sommes en approche du sol, voilà qu’un groupe en stage de vol acrobatique déboule au-dessus de nous. Le problème c’est que nous volons plutôt horizontalement alors qu'eux font des figures et chutent verticalement. Je peux vous assurer qu’il n’est pas agréable de voir tomber des bolides dont nous ne sommes pas sûrs qu’ils maîtrisent totalement la manœuvre. Il faut savoir que nous n’avons pas de parachute de secours et qu’une collision serait lourde de conséquences pour nous. C’est au moment où nous sommes en approche qu’un lascard pousse un cri en voyant Hélène apparaître subitement dans son champ de vision alors qu’il est en plein looping. Faut vraiment être con pour faire de la voltige au milieu de tout le monde. Dieu merci, il évite le contact et va se vautrer sur le terrain.
Nous atterrissons finalement sans encombre au milieu d’une trentaine de parapentistes. Non vraiment on préfère les vols sauvages loin du monde et du tumulte !