Même si la météo annonce que la niche va tomber sur le chien, ce n'est pas une raison pour ne pas sortir. Nous prenons les parapentes ce matin pour profiter de la dernière fenêtre de tir. Pourtant il faut en vouloir, le ciel est sinistre, glauque et gris, il ne donne vraiment pas envie de s'aérer. Nous sommes silencieux dans la voiture qui nous mène en périphérie de Grenoble au début du petit sentier qui grimpe à côté des rails arrachés de ce qui fut le funiculaire pourtant centenaire.
Toujours sous cette maussade chape de plomb nous entamons la marche et rapidement nous trouvons un rythme agréable sans plus se soucier du temps. Le passage du chaos de l'énorme éboulement, celui-là même qui a ravagé la gare inférieure du funi, est angoissant. Des centaines de tonnes de caillasses sont juste en suspens au-dessus de nos têtes, il ne faut pas traîner ici malgré l'apparente immobilité de cet amoncellement de blocs gros comme des camions. Les trois cordes installées à la va vite sont d'une rare utilité, elles sont salvatrices pour franchir le profond sillon du glissement de terrain, il est impossible de s'en sortir sans tirer sur la corde à nœuds.
La suite en lacets est d'une douce monotonie, marcher sans peine et laisser divaguer son esprit jusqu'à la prairie du décollage est un vrai plaisir de chrétien. Mauvaise nouvelle là-haut, en plus du ciel couvert, la brise est descendante, difficile de s'envoler dans ces conditions. Pourtant quelques candidats au grand vol sont prêts à partir. Après avoir fait un tour des autres décollages, nous revenons au départ Est où les parapentistes s'envolent par rafales, signe évident d'épisodiques inversions du flux propice à l'essor. Après avoir étalé nos voiles, nous attendons le bon moment. Hélène s'envole à la perfection, je la suivrai dans un cycle un peu moins favorable qui me demandera de courir à grandes enjambées par dessus la falaise. C'est juste en dessous de la barre que nous verrons quatre chamois tranquillement installés sur une vire inaccessible. Indifférents aux volatiles que nous sommes, ils nous regardent passer sans même tourner la tête.
Comme prévu la durée du vol ne dépassera pas le temps d'une fléchette vers la grande cible dessinée au centre du terrain d'atterrissage de Lumbin. Il faut dire que le ciel gris ne laisse pas au soleil l'occasion de générer la moindre ascendance. Moins de dix minutes après notre envol, nous sommes en bas posés dans l'herbe dégoulinante de rosée.
C'est ballot, pendant notre fugace envolée nous avons largement eu le temps de voir au fond du décor le Mont Blanc éblouissant dans un ciel tout bleu, les nuages sont uniquement présents autour de Grenoble ! Peu importe, nous avons fait une belle petite sortie. Avec les prévisions annoncées, demain sera probablement culturel...