Si le soleil pointait son museau entre les brumes à Grenoble, la pluie nous est tombée dessus en arrivant à Montmélian, une pluie si grasse et si épaisse que le doute s'est immiscé en nous.
Nous voilà maintenant garés au pied du sentier, en train d'observer les gouttes s'écraser sur le pare-brise, dubitatifs. Compte tenu qu'Hélène a annulé son rendez-vous chez le kiné, nous décidons tout de même de sortir de la voiture pour monter au sommet, il faut bien faire la rééducation d'une manière ou d'une autre. Heureusement l'averse est de courte durée et le moral remonte. C'est en arrivant sur le plateau de Montlambert qu'il se remet à pleuvoir... Maintenant qu'on est là autant terminer la balade. Le plafond gris et poisseux baisse, faisant disparaitre les sommets enneigés dans une brume glauque et humide, les flammes au décollage s'agitent en tout sens. Franchement le spectacle ne donne pas vraiment envie de voler. Après avoir enfilé toutes les épaisseurs disponibles, nous contemplons le triste paysage, seule la durée du jour qui sera enfin plus long qu'hier nous redonne un semblant de bonne humeur.
La perspective de descendre en courant chercher la caisse ne m'enchante pas plus que cela, aussi je décide de déplier à la faveur d'une amélioration puisque la pluie vient de s'arrêter sans prévenir. Un parapentiste arrive justement alors que je commence à étaler la voile. Il paraît aussi incongru que nous dans ce paysage mortifère mais cela ne fait aucun doute, il a bien un parapente sur le dos. Le vent est maintenant arrière ce qui n'arrange pas mes affaires. Un rideau de pluie se dessine pendant que j'attends une bouffe de face propice à l'envol. Entre temps nous apprenons que le parapentiste est monté en bagnole, Hélène propose de lui descendre sa caisse plutôt que de tenter un envol dans ces conditions douteuses, ce qui ravit notre jeune homme qui s'apprêtait à remonter à pied après son vol hypothétique.
N'ayant pas la patience d'attendre plus longtemps la bonne rafale de face, je m'élance quand les trois manches à air sont à peu près inertes. Il faut dire que l'averse qui se prépare me met la pression, elle n'est pas à plus d'un kilomètre. Comme prévu le vol n'est pas terrible, aucun thermique et en plus c'est turbulent, mais bon, pour quatre minutes dans les airs, ce sera supportable. J'atterris en visant la piste d'envol d'aéromodélisme, elle a le seul mérite d'être sablonneuse et moins humide que l'herbe gorgée de flotte. Justement en parlant de pluie, la voilà qui recommence sitôt avoir posé la voile au sol, je plie donc le parapente à toute vitesse et n'importe comment. Pendant ce temps, l'autre parapentiste vient de décoller sous la pluie qui redouble redouble d'intensité, il arrive trempé alors que je cherche un abri misérable sous les sapins rachitiques qui encadrent le terrain. Le jeune homme ne semble absolument pas gêné par l'averse, il laisse sa voile en boule et prétend la fourrer ainsi dans son coffre en attendant de la faire sécher chez lui.
Pour ma part, descendre en parapente est toujours une joie et je n'ai pu m'empêcher de chanter en l'air la chanson de Fred Aster :
I'm flying in the rain
Yes, flying in the rain
What a glorious feeling
And I'm happy again
I'm laughing at clouds
So dark up above
The sun's in my heart
And I'm ready for love
Let the stormy clouds chase
Everyone from the place
Come on with the rain
I have a smile on my face
I walk down the lane
With a happy refrain
Just flyin', flyin' in the rain
Flying in the rain, da-da-dada
I'm happy again
I'm hiking and flying in the rain
I'm hiking and flying in the rain