Ce matin le parking est pratiquement désert, la montagne a retrouvé son calme et ce silence qui lui va si bien. Pourtant sitôt le début de la marche en skiant, un bruissement s'est fait entendre, comme un pizzicato de violons, rejoint bientôt par notre respiration cadencée une fois notre rythme trouvé au milieu des sapins de plus en plus clairsemés. Par ailleurs l'espace s'ouvre autour de nous et semble s'élargir jusqu'à devenir triomphal au-dessus de la ville laborieuse. Bientôt ce ne sont plus des conifères qui nous entourent mais les grands massifs alpins, la Chartreuse d'un côté, les falaises illuminées du Vercors tout au fond, tandis qu'à l'opposé apparaît le Dévoluy derrière le sphinx Obiou! C'est exactement comme le Finlandia de Sibelius * !
La montagne porte les stigmates du week-end ensoleillé, la moindre parcelle de poudreuse est irrémédiablement lacérée des randonneurs précédents, toutefois la neige reste suffisamment meuble pour faciliter notre progression à travers toutes ces traces. Il suffit alors de suivre le rail correspondant le mieux à notre effort et de se laisser lentement monter vers la grande croupe du Brouffier. Si le soleil brillait généreusement depuis ce matin, au confins du paysage roulent de noires masses nuageuses sinistres comme un Dies irae pendant que le vent du sud se lève, de plus en plus glacial et intense. Le ciel va nous tomber sur la tête. Alors, dans l'agitation légèrement soûlante de la brise maintenant bien établie, au sommet de l'épaule, nous enlevons les peaux rendues capricieuses dans cette tourmente et filons vers des lieux plus apaisés dans la vallée. La neige trafollée reste très agréable et même ludique, comme sur ces anciennes pistes de ski du temps où l'on ne traçait pas les pistes à coup de ratracks pour ne laisser derrière que d'immenses boulevards insipides.
Nous trouverons l'emplacement idéal à l'orée de la forêt pour la pause méridienne, au pied d'un rhododendron qui refuse de se laisser recouvrir de neige. Nous y dégusterons notre pique-nique, tranquillement à l'abri du vent, face au panorama violacé par la proximité de la perturbation. Une ambiance de bout du monde, glacial comme celui de Sibelius et ses poèmes symphoniques.
Horaire : 9h - 13h en suivant le topo
* Intéressante version de l'orchestre de Tempere sous la direction inspirée de Tuomas Ollila