L'alignement des planètes pour voler est tellement rare en ce moment que nous décidons de lever le camp dès l'aube, malgré une bonne soirée entre amis qui nous a fait veiller fort tard, on dormira une autre fois.
Le Grand Serre par la Croix de Gouret retient toute notre attention, aussi laissons-nous la voiture à Villard Saint Christophe sans trouver le moindre champ fauché, on avisera en l'air ! Après avoir planté la flamme au bord de la route, nous commençons la marche par le joli petit sentier parfaitement entretenu, ça fait plaisir à voir. Je nourris quelques inquiétudes concernant les moutons, je sais le berger du coin irascible et peu enclin à voir des randonneurs sur son domaine, nous verrons bien. La montée en sous-bois rafraîchissants est agréable et nous retrouvons bientôt le soleil à la Croix de Gouret dont le point de vue dégagé permettra de situer le troupeau de goueilles et ses cerbères voraces à contourner.
Eh bien je vous le donne dans mille, alors que nous arrivons à la croix, c'est un millier de moutons qui dévalent la montagne et se dirigent droit sur nous, précédés de trois molosses énormes. Derrière, un jeune berger guide le troupeau vers la croix sans se soucier de notre présence. La rencontre est inévitable même si les trois clébards ne nous ont pas encore vus. Nous avons lu dans les livres qu'il valait mieux se faire voir plutôt que de les surprendre, alors téméraire j'appelle les toutous espérant m'en faire des copains. S'il n'avaient pas encore aboyé, mon appel déclenche un déferlement sur nos personnes, toutes babines retroussées. Ça jappe, ça grogne et ça renifle. Le berger d'Anatolie, le plus féroce, se place derrière nous tandis que deux patous nous font face.
Après une minute d'évaluation réciproque, il semblerait que les cerbères ne fassent qu'une démonstration d'intimidation, parfaitement réussie d'ailleurs. Nous nous hasardons à reprendre la marche, alors que des moutons nous cernent de tous les côtés, sans éveiller de nouvelles salves d'aboiements. Le berger, qui nous regarde tout en s'appuyant sur sa quenouille, répond gentiment d'un signe discret à mon salut tandis qu' arrivent encore des centaines de moutons. Les chiens nous suivent un moment tout en remuant la queue avant de disparaitre au milieu de leurs ouailles. Ouf ! Plus de peur que de mal.
Nous poursuivons la marche, heureux de savoir le danger derrière nous, mais un autre élément vient perturber notre relative tranquillité, c'est le vent du sud. S'il n'est pas encore trop fort, il n'en demeure pas moins bien présent et, comme la météo annonce un renforcement du vent, nous décidons de déplier les parapentes un peu plus haut sans tenter le sommet. Il est encore tôt, rien ne presse, nous admirons le paysage fantastique et préparons les ailes sur une belle prairie parfaitement orientée. L'envol est facile, le vol agrémenté de quelques thermiques au-dessus des rares pentes déjà ensoleillées. Nous évoluons dans un espace magnifique, vert et bleu, les pluies torrentielles de ces derniers jours ont lavé le paysage, c'est de toute beauté. Un dernier thermique sur le relief séparant les lacs de la vallée de Cholonge permet de faire durer encore ce délicieux vol matinal. Hélène se dirige vers l'unique champ fauché de toute la vallée et s'y pose tranquillement. Excellente initiative, même s'il est à 2 bornes de la bagnole, nous préserverons ainsi l'épaisse couche de foin sur pied encore pleine de rosée autour de la flamme posée ce matin.
Un cycliste qui passe s'étonne de l'heure matinale à laquelle nous avons posé sous l'immense face ouest du Grand Serre. Il n'imagine pas les quelques pentes secrètes parfaitement orientées au soleil du matin où les ascendances sont activées aux premières heures de la journée, surtout en ce moment avec cette instabilité permanente ! Il ne reste plus qu'à retrouver la voiture à deux bornes de là et foncer au lac de Petichet installer le pique-nique puisqu'il est midi ! Malgré les 17° de la flotte, la baignade est délicieuse !