Ce matin nous devions rejoindre des amis qui découvrent le ski sur les pistes de Chamrousse, néanmoins en sortant de Grenoble un premier bouchon nous inquiète, un coup de google nous confirme nos craintes, deux kilomètres de bouchon pour accéder à la station.
Nous passons au plan B, direction Vizille pour finir à La Morte où nous trouvons un parking même pas saturé. Si nous commençons la randonnée dans un brouillard à couper au couteau, rapidement les brumes se déchirent sur les plus hauts épicéas pour disparaitre, cédant la place à un ciel uniformément bleu. La trace toute neuve dans une poudreuse légère est parfaite, elle zigzague entre les énormes conifères juste saupoudrés de blanc. Hélène est une vingtaine de mètres derrière moi quand j'entends soudain un cri "A gauche !", je me retourne aussi sec, n'ayant pas l'habitude d'entendre ma douce m'aboyer des ordres de la sorte. En fait pas du tout, c'est une jeune fille un peu plus bas qui marche accompagnée d'un chien en laisse. "Avance ! A gauche ! Au pied ! Médor* !" Les ordres fusent sans cesse et finissent par nous stresser si bien que rapidement nous laissons passer cet étrange équipage. Dans mon for intérieur, je me suis dit que son copain ne devait pas être à la noce tous les jours. Nous la redoublerons un peu plus haut à la faveur d'une pause.
Mais ce n'est pas fini, un peu plus loin un autre musher, lui aussi dépassé par les événements, hurle après son chien qui n'en fait qu'à sa tête, les ordres fusent en stéréo: "Médoooor à droiiite", "Kikiiiii* reviens !". Pas moyen d'être tranquilles. C'est quand même bizarre cette manie d'amener ses animaux de compagnie au ski de randonnée dont la présence aux sports d'hiver est aussi incongrue qu'un saumon sur un vélo. Car enfin ces pauvres bêtes en bavent à la montée, et je vous raconte pas à la descente à pataler derrière les skieurs qui vont dix fois trop vite. Si encore c'étaient des huskies, mais non, nous n'aurons vu que des chiens de berger plus aptes à garder les moutons qu'à s'esquinter la santé au ski. Après avoir croisé une dizaine de clébards sur la croupe de Brouffier (ma parole y aurait'il un concours canin?), nous arrivons en vue du Pas de la Mine. Le vent commence à souffler en dispersant les quelques centimètres de neige fraîche, ne reste plus qu'une surface terriblement glacée qui, sans être du carrelage, n'en demeure pas moins dure et glissante où les peaux n'accrochent même plus. Nous n'irons pas plus haut que le sommet de l'épaule de Brouffier.
Après avoir viré les peaux flappant dans l'air glacial nous commençons la descente comme sur des œufs. Finalement les carres accrochent et rapidement nous évoluons sur une neige à la texture idéale, une dizaine de centimètres de poudreuse sur un fond dur mais complètement lisse. Compte-tenu de la faible pente au début de la descente, la glisse est un régal, la combe faisant suite à l'épaule étant plus raide et à l'abri du vent, on y trouve une neige parfaite et à peine tracée. Bref, du bonheur jusqu'à la bagnole !
* Pour des raisons de confidentialité, les noms des victimes ont été modifiés !