Ce matin je voulais faire la pointe de Gallopaz. Mais au moment de partir je trouve un message sur mon portable, c’est Nini qui va faire un tour en Chartreuse, près de chez lui. Je le rappelle donc pour lui proposer le Grand Som. Tant pis pour les Bauges bien que ce soit aujourd’hui une bonne option et surtout un sommet que je connais pas. Au parking de la Correrie, un froid vif descend le vallon, nous marchons d’un bon pas mais il me faut vite calmer l’allure, j’ai une crève terrible et j’ai mal de partout.
Sous Bovinant, une ou deux rafales immiscent en moi le doute. Encore un but en perspective ! C’est la troisième fois que je monte par la Correrie et que je redescends à pied ! Mes plaisanteries graveleuses sur les moines ne seraient elles pas appréciées en haut lieux ? Mais enfin, n’est-ce pas terrible d’enfermer ces jeunes novices, dont la sève bouillonne, pour une vie d’abnégation et de privations ? A choisir, je reste beaucoup plus favorable à ce centre de Saint Hugon en Belledonne, (des Boudhistes) où les participants sont libres d’aller et venir. Néanmoins, Grâce à (ou à cause de) la conduite extrême et jusqu’au boutiste de ces moines, les uniques habitants de ces lieux, ce Grand Som reste emprunt d’une grande sérénité voir d'un certain mystère. On croirait entendre durant toute la montée des chœurs de moines. En fait, ma vision oscille entre celle de Umberto Eco avec son thriller monastique et celle du récent et passionnant film « le Grand Silence » (Evitez la séance de 22 heures, c’est tout de même légèrement soporifique).
Bref Arrivée sur l’arête, je peste contre Nicolas, car le vent, de plus en plus fort, réduit singulièrement mes chances de vol : Je rêve de la Gallopaz. La neige est digne d’un mois d’avril, elle est dure comme du bois en Ouest et commence à ramollir en Est. Au sommet c’est 35 à 40 Km/h régulier de vent de Nord Est, bien orienté certes mais beaucoup trop fort. Nicolas, inquiet pour la descente ne s’éternise pas, bien qu’il ait une paire de crampons.
Je renonce au vol, en revanche je ne me résous pas à descendre. Au décollage habituel, qui est en contrebas, le vent est moins fort. Alors que je vais entamer la descente, une brutale et soudaine chute du souffle tiède faire renaître en moi l’espoir. Je pose le sac et les bâtons pour remonter au sommet, la bise est maintenant tout à fait fréquentable. C’est incroyable, en moins de 4 minutes le vent est passé de 40 à 10 Km/h! Après une attente de 10 minutes pour confirmer ces conditions, je décolle dans un vent totalement nul pour un vol parfaitement calme.
Mon plan de vol, prudent tout de même vu les variations climatiques, est de me poser à Martinière et de remonter en stop à la voiture. Je n’ai pas fini de lever le pouce que voila une voiture qui s’arrête ! Par un coup de bol incroyable ils vont exactement où je suis garer ! Ce sont deux skieurs de rando qui, comme moi, se rabattent sur d’autres activités en attendant la neige. Ils vont monter par l’arête sud au sommet du Grand Som. Je savoure au parking les quelques barres de Céréales que j’ai omis de dévorer à la montée avant de rentrer à la maison, fourbu.
Pour illustrer musicalement mon propos, je ne saurais que trop vous conseiller l'écoute de la Missa de Beata Virgine par l'ensemble A Sei Voci et le regretté Bernard Fabre-Garrus