Il n'a pas fallu que je fasse plus de 30m avant que les premières gouttes ne s'écrasent sur mon front. Elles seraient arrivées dix minutes plus tôt sur le par-brise que je ne sortais même pas de la voiture ! En attendant, des éclaircies sont annoncées dès le matin et comme il n'est que huit heures il faut bien nourrir quelques espoirs. Que c'est dur la vie de randonneur, pourtant depuis l'armée - obligatoire à l'époque - je m'étais juré de plus jamais sortir 1) la nuit 2) par mauvais temps... comme quoi il ne faut jurer de rien.
Une heure après le départ, la pluie tombe toujours aussi drue, c'est un grand moment de solitude , mais qu'est ce que je fous là? Heureusement ce bucolique parcours parmi l'épaisse forêt me protège un peu et puis j'ai mis le coupe-vent en guise de capeline. Bien que le ciel soit toujours aussi sombre, une demi-heure plus tard, la pluie semble plus fine. Le sol en revanche est détrempé et terriblement glissant. Je me surprends cependant à apprécier le peu de paysage que les éléments me laissent entrevoir, c'est tout vert, on dirait l'Amazonie avec les bestioles en moins.
Et puis arrivé à cette cabane de bois, l'espoir est subitement revenu, il ne pleut quasiment plus! Alors derechef, j'attaque le dernier raidillon droit dans la pente, et quelle pente ! Couverte de rhodos de buissons de myrtilles, de genévriers, tout est absolument gorgé d'eau ! C'est haletant et les pieds trempés que j'arrive sur la crête et enfin au sommet. Si question précipitation c'est bon, si question visibilité c'est bon, j'ai tout faux question ventilation.... Petite brise de Nord Ouest. Ne connaissant pas la géographie des lieux, l'inquiétude est grande. De splendides décollages en Sud-Est ponctuent la dernière croupe: Hélas vent arrière....
Une fois au sommet donc, le ciel est uniformément plombé, en Ouest et en dessous c'est plein de nuages, en revanche encore rien de mon coté. Cependant il me reste un espoir, il y a au nord une antécime, peut-être y a t'il une pente bien exposée? J'y cours et oh surprise, une belle petite pente bien orientée Nord-Ouest. Bon elle est courte, encombrée de blocs mais avec cette petite brise il ne devrait pas y avoir de soucis. Une fois la voile étalée dans l'humide prairie, la sellette enfilée, il ne reste plus qu'à y aller... seulement la brise mollit et le brouillard arrive.... Suspense jusqu'au bout. Après le passage du nuage, la brise a repris, la voile est montée droit dans le ciel sans que j'ai à faire deux pas, et hop, par dessus l'épais manteau de végétation.
Le vol est tranquille dans une moiteur étrange. Peu de temps après je suis tout au fond de la vallée humide et sombre. Ben voilà, c'est inespéré et si le vol ne restera pas dans les annales, la joie d'avoir pu décoller dans cette ambiance poisseuse et collante elle, restera!