En arrivant à Grand Naves, il fait un froid de loup, une brise descendante conséquente ne donne pas envie de se poser ici. Pas de souci, ça doit tourner dans la journée. Au bout de 10 minutes de marche je regarde les montagnes qui m'entourent, le Roc Marchand me paraît bien près, il n'y a pas 1000m de dénivelé, c'est pas possible, en regardant la carte, effectivement y a pas photo, c'est seulement 800, c'est à ce moment que je découvre à droite un sommet sombre et altier, le Quermoz.... Finalement c'est là que je vais aller. Je sais que Marc y est allé mais j'ai fait l'impasse sur la cueillette d'informations. Une rapide analyse de la carte laisse espérer un décollage sud possible, allez Hop, il faut traverser à flanc de coteau pour rejoindre un joli petit sentier. Il chemine à travers les prairies puis dans les vernes, il a l'avantage énorme de ne pas être une piste, non juste un petit sentier champêtre et couvert d'une prairie rase et souple sous la semelle.
Le vent descend encore de toutes les pentes et ce flanc Ouest restera toute la montée dans l'ombre glaciale. Arrivé au lac Bozon, affreux pour cause de remodelage à coups de bull, le soleil éclabousse enfin mon visage d'une chaleur bienfaisante. La dernière partie est facile mais pas raide du tout, pour le décollage sud c'est pas gagné avec cette brise vraiment mal orientée. Nord-Est.... j'espère secrètement la présence d'un décollage nord, il me semble que Marc parle de cette option. Au sommet, le Mont-Blanc apparait subitement, la face nord est raide et surtout couverte de neige.
La brise est faible mais à l'évidence, elle vient du nord. Justement des traces entre les deux sommets semblent indiquer un décollage récent. N'ayons pas peur de le dire, dans ces conditions, le décollage est plutôt engagé, 5km/h de face, c'est pas beaucoup, mais c'est surtout les 10 cm de neige sur la terre gelée qui me font peur! Il s'agit de ne pas rater l'envol, sinon c'est la glissage 150m plus bas dans un pierrier peu accueillant.... A choisir, j'aurais préfèré 30cm de neige profonde. J'étale donc la voile précautionneusement, ficelle par ficelle. Une fois l'installation terminée, il s'agit d'enfiler la sellette string. Heureusement j'ai pris deux bâtons en bois et dans ces conditions, une biroute au sommet et une près de la voile ne sont pas de trop.
Tout va se jouer dans les deux premiers mètres, après, je ne pourrai plus m'arrêter.... Il faut attendre patiemment la bonne bouffée pour gonfler la voile.... elle ne vient pas vraiment alors quand l'air frais se fait sentir, il est temps de tendre les suspentes, la voile monte lentement, lentement bien droite, pendant que j'avance vers la pente glacée.... la prise en charge semble effective, feu, je me lance dans le trou.... secondes de grande concentration.... ça vole.
Maintenant l'air est calme, la pression tombe, ai-je le temps de revenir sur la trace? Non, il me faut donc opter pour le plan B en direction d'Aime dans la profonde vallée de l'Isère.... le vol est somptueux face à un Mont Pourri pas si pourri que ça, il en jette quand même! Mais ce n'est que le début des aventures.... une fois au sol, dans l'herbe trempée, il me faut prévenir la maisonnée d'un retard prévisible, il faut descendre à Aigueblanche et remonter toute la vallée des Naves, en stop, 30 bornes à midi c'est pas gagné.... plus de batterie dans le portable.... en rangeant le téléphone, il me semble qu'il manque quelque chose.... les clefs de la caisse.... bon dieu mais où elles sont?
Il me faudra trois voitures et 1h pour rejoindre mon véhicule.... La voiture est ouverte, les papiers, la carte bleue et le GPS bien en vu, et les clés sur le contact.... Tout va bien!