Je ne comptais pas mettre cette sortie (certes toujours aussi belle, mais pour moi quasi "routinière") sur bivouak. Mais il se trouve que ce coup-ci, la routine n’a pas été au rendez-vous…
En effet, des amis nouvellement installés à Saint-Etienne, et auxquels j’avais conseillé cette rando, s’apprêtaient à la faire vu le beau temps prévu ce jour. Au dernier moment, on décide d’y aller ensemble ; bonne idée me dis-je, je pourrai leur montrer quelques extras et autres raccourcis.
Mais peu après le départ à la Scie du Bost, première surprise : un panneau tout neuf indique la Jasserie à… 5,7 km (!), et pas du tout par le Saut du Gier ! Ah bon, c’est quoi ce truc ? Deuxième surprise, le même panneau indique bien le Saut du Gier dans la bonne direction, mais en précisant "Aller-retour obligatoire" !!?? Cette fois je crois rêver… Mais bon, ça doit être une lubie quelconque me dis-je, et on continue la montée tranquilles, en suivant le balisage habituel, marron-blanc, du PNR.
Au Saut du Gier, on admire ensemble la haute et fine cascade qui vient s’écraser dans le chirat. Bon on ne va pas remonter directement par ce chirat-là ; certes ça peut se faire et c’est même très amusant, mais c’est pas la voie "normale", donc on revient un peu en arrière pour la partie la plus raide (et donc la plus ludique !) du sentier du PNR. Et nous voici donc grimpant allègrement à la queue leu leu les grosses marches de ce que j’appelle parfois "le mur", et qui est juste une partie bien raide dans les blocs, où on peut s’amuser en s’aidant parfois d’une branche d’arbre ou d’un bout de rocher pour se hisser sur ce sentier un peu sportif qui change un peu des chemins pépères et autres sentiers battus…
C’est seulement après en être sorti que je constate stupéfait que, du Saut du Gier jusqu’à la Jasserie, toutes les marques du balisage blanc-marron sur les arbres ont été soigneusement (et récemment) effacées ! La trace du grattage est encore visible… mais aura bientôt complètement disparu. Certes moi ça ne me gêne par outre mesure, vu que je connais cet itinéraire comme ma poche. Mais pour ceux qui, comme mes amis, viennent ici pour la première fois, ils auront de fortes chances de se perdre : il y a en effet dans ce sous-bois pentu plusieurs passages sans aucune trace au sol (il m'est même arrivé de croiser plusieurs randonneurs qui s’étaient égarés là malgré le balisage, et que j’ai remis dans le droit chemin !).
La suite de notre rando nous mène sans encombre à la Jasserie, où nous rejoint Sylviane pour la montée commune jusqu’au Crêt de la Perdrix. Aujourd’hui, comme prévu, la vue lointaine n’est pas terrible ("C’est des nuages ou c’est le Mont-Blanc qu’on voit tout au fond derrière le Crêt de Botte ? - Ben à mon avis… "). En insistant beaucoup on finit par deviner un soupçon de Vercors ("La grosse tache blanche là-bas, ce serait pas le Grand Veymont ?").
Allez, demi-tour, c’est l’heure de redescendre à la Jasserie pour une petite bouffe commune bien méritée. On n’y sera pas tout seuls, mais c’est toujours aussi agréable d’y mettre les pieds sous la table… Une fois rassasiés, on va se séparer pour le retour : les deux zoms, on va redescendre à pied à la Scie du Bost en passant par mon itinéraire de descente préféré (ci-dessus en commentaire du topo), pendant que les deux dames, ben elles vont retourner à Sainté en voiture, avec plein de choses à se raconter tout au long du parcours. Voilà voilà…
Cela dit je ne peux pas m’empêcher de repenser sans cesse à cet itinéraire débalisé, comme tant d’autres (et souvent les plus beaux, évidemment) l’ont été et le seront encore, je le crains, dans toutes nos montagnes - je repense par ex. à la Croix de Belledonne après le col de la Pra, pourtant pas bien méchante non plus… Drôle d’époque, qui d’un côté exalte frénétiquement les sports les plus extrêmes, et de l’autre "censure" impitoyablement tout ce qui sort des clous et qui permet de s’offrir, au prix d’un minimum de précautions élémentaires, ces petits plaisirs du quotidien qui font le sel de la vie pour la plupart d’entre nous. Ben oui, on creuse les écarts, ici comme ailleurs…
Bon ben, puisque c’est comme ça, on va mettre des cairns tout du long !