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La première fois que je suis venu dans ce secteur, c’était il y a presque 12 ans, en octobre 2008. Je venais de monter par le passage de l’Encoche.
Depuis le promontoire où je casse-croûtais, au pied des grandes pentes herbeuses supérieures, je restais « baba » devant ce spectacle du grand versant NE de Chamousset, mêlant et les herbes encore vertes malgré l’automne et les falaises aux multiples gris. Dans cet ensemble majestueux, il semblait toutefois possible à un randonneur - à condition qu’il soit un peu téméraire - d’y venir faire une escapade.
J’en faisais ainsi quelques photos.
Au gîte de la Jarjatte, chaleureusement tenu par Catherine et Jean-Marc Jacquet, je parlais de tout cela avec eux. Jean-Marc m’expliquait qu’il connaissait ce versant du Chamousset, et qu’il y montait en ski, l’hiver. Mais qu’il ne le l’avait pas pratiqué en été. Il me traça l’itinéraire emprunté sur une photo, m’expliquant que ce cheminement lui paraissait envisageable à la belle saison.
Depuis toutes ces années, j’en étais resté là. Mais chaque fois que ladite photo me passait sous les yeux, l’envie titillait d’y aller voir.
Ce fut seulement lors d’une sortie en septembre 2018 que la flamme se ralluma. Michel et moi étions allés au pied des flancs de Vachères NO, juste en face du Chamousset donc. Une telle vue, avec tous les détails de l’imbroglio de ce versant, ne pouvait que pousser à la préparation active. Malgré cela, l’année 2019 passa encore, occupé par d’autres projets. Mais dès l’hiver venu, l’analyse des images permit de prendre toute confiance dans la possibilité de remonter ce versant. Ne restait plus qu’à attendre les belles journées.
C’est ainsi, qu’en cette fin juin 2020, l’heure fut venue !
Jean-Marc n’était pas libre, compte tenu de son emploi du temps d’accompagnateur. Alors j’y allais tout seul.
Cette sortie fut une réussite.
Une belle, une grande réussite !
Le projet avait tenu ses promesses, car l’ambiance, la beauté des lieux, étaient bien au rendez-vous.
Et la sérénité d’esprit aussi, grâce à la bonne - et longue ! - préparation.
Au bas, la partie est d’abord forestière ; puis pierreuse ensuite. Or, si les sous-bois sont comme toujours bien sympathiques, le pierrier à remonter est lui d’une toute autre teneur : il est lugubre.
Placé qu’il est dans l’ombre du jour encore naissant, enfoui au fond d’un vallon encaissé, dominé surtout par une paroi ressemblant trop à un empilement de blocs, tout pousse à passer sur ce pierrier le moins de temps possible. L’échappatoire, sur la droite, dans les premières herbes, est alors un vrai soulagement, et je m’y engouffre aussi vite que le souffle me le permet.
Ces premières pentes d’herbes sont d’abord raides, puis plus tranquilles.
De plus le soleil qui descend, face à moi, rend l’atmosphère de plus en plus gaie. C’est ici le « pré médian », et je m’y trouve drôlement bien. Au-dessus du pré, des falaises calcaires pointues semblent empêcher toute sortie directe. Il faut alors entamer une assez longue diagonale, visant à esquiver la difficulté. Cette trajectoire se redresse ensuite pour aller au « goulot resserré », passage étroit qui se faufile entre deux pointes, et qui donne accès aux pentes finales.
Dans ce dernier tiers du versant, il n’y a plus d’arbre, ou presque plus. Seuls se trouvent ces parterres herbeux, parfois très épais, avec par endroits de grandes zones d’une lande dense qui ressemble au tapis des myrtilliers : ce sont les raisins d’ours.
Les lignes de fuite du secteur se redressent d’un cran supplémentaire. Alors je préfère remplacer le bâton rigide – très commode en terrain normal - par le piolet qui offre un meilleur sentiment de sécurité.
Ici, dans cette ambiance très pentue, je retrouve les sensations des courses glacières d’antan, dont les longues pentes de neige dure donnaient des frisons avec leurs perspectives vers le bas semblant infinies…
Je vise LE petit sapin trapu, maintenu raz du sol par les vents de la crête. C’est lui qui donne l’objectif final de cette magnifique balade dans le Chamousset-versant NE !
C’était une vraiment belle, et bonne, intuition que celle de vouloir venir là.
Et je suis « heureux comme pas-deux », tout seul que je suis, ici, au sommet.
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