Après ce périple en moto à travers toute l'Europe balkanique, il fallait retrouver au plus vite les sensations plaisantes de l'air qui siffle entre les suspentes et de ressentir la respiration du parapente. J'y serais bien allé hier mais le mauvais temps en a voulu autrement. Ce matin c'est un ciel uniformément bleu où passe, invisible, une irradiante lumière solaire avant qu'elle ne s'éparpille au sol à travers les feuilles jaunies qui se dispersent dans la brise.
Le problème c'est le vent qui souffle fort sur les sommets alors l'Aiguille de Chalais, moins altière, semble tout indiquée. Ses flancs abritent une cohorte de chasseurs en ordre de bataille dans un dispositif de chasse impressionnant. Nous marchons en prenant soin de faire le plus de bruit possible, pas envie de finir en passoire à légume. Hélène me laisse à mi-chemin pour redescendre par la piste forestière pendant que j'en termine avec l'aiguille et ses 900 m de dénivelé.
Là-haut, au dessus du couvent des clarisses, les conditions sont bonnes, toutefois un indice permet d'imaginer un fort vent du sud sitôt décollé, ce sont les cimes des arbres tordus par la brise. Un autre parapentiste arrive alors que ma voile est prête. Il me met la pression en m'expliquant doctement dans quelle lessiveuse nous allons nous jeter sitôt passé la crête. Pour couper court à ses funestes prédictions, je décolle sans plus tarder. Effectivement, il y a un vent du sud tonitruant, l'avantage c'est qu'à 11 heures il est facile de tenir dans ce puissant thermodynamique. Toutefois la vision des arbres secoués par les rafales finit d'entamer ma détermination déjà vacillante. Au bout d'un temps que je juge suffisant, pas plus de 10 minutes à tout casser, je prends le cap de l'atterrissage toujours soumis aux caprices d'Éole. Face au vent, mon équipage ne me permet pas d'avancer à plus de 10 km/h mais la bonne nouvelle c'est que je ne perds pas de hauteur. J'arrive enfin au dessus de l'atterrissage avec une marge confortable d'altitude malgré sa distance lointaine de l'aiguille. Voilà un vol mouvementé, animé de larges amplitudes qui auront fait couiner le vario jusqu'à toucher le sol.
Je retrouve Hélène qui arrive en même temps avec la voiture que nous avions garée un peu plus haut. Heureuses retrouvailles au milieu de l'immense prairie détrempée des pluies d'hier. Pas question de plier la voile ici, nous l'enfournons directement dans le coffre de la Twingo et filons plier tout cela dans le jardin de la maison.
Y a pas à dire, si les voies du seigneur sont impénétrables, celles de la route et de l'air sont plus faciles d'accès et source permanente de bienfaits.