Evasion garantie !!
Premier Jour
Nous voila partis pour la grande traversée, les premiers pas sont difficiles et je me demande bien comment je vais pouvoir tenir la distance ! Sous le Pas de la Porte, le choix d’une variante est vite pris : la cuvée des Ours, une Sombarderie superbe avec cette grotte qui souffle fort, serait-ce la respiration du roi de la montagne ? Au dessus, je suis Loic pas à pas en priant pour qu’il ne s’égare pas, redescendre ces passages exposés, surtout avec nos gros sacs, serait de la folie. Je nous vois terminer prématurément la traversée par un Héliportage… C’est sans compter sur la sagacité de Loic qui nous conduit sans aucune hésitation sur le plateau. Au sommet, mes jambes me tirent affreusement, la vue de la suite du parcours me remplit d’effroi…. C’est loiiiiin.
Bon, continuons, nous verrons bien ! Pas des Barres, plateau du Pinet, Pas des Echelles. Les kilomètres s’accumulent sans problème. Il commence à manquer d’eau, alors, nous décidons un pique-nique à la source de l’Alpette, au dessus du Cirque de Saint Même, une petite pissette de rien du tout, patience obligatoire : 10mn pour remplir 1 litre. Elle doit pas couler tout le temps celle-là !
Perdue au milieu de la prairie où nous décollions jadis, cette source est agrémentée d’un unique arbre fort bienvenu avec ce soleil écrasant. En face, le plateau de l’Aup du Seuil déroule toute son immensité. Sa garde, à ses pieds, est formée de 25 000 conifères en bas du plateau (je les ai comptés), massés comme autant de petits soldats prêts au combat, au dessus, c’est un gigantesque jardin japonais. La traversée de ce plateau est faite comme dans un rêve.
Au Col de Bellefont ça burle sévère. Encore en panne d’eau nous changeons nos plans, tant pis pour la cheminée du Paradis, direction la fontaine de Bellefont la bien nommée. Je me demandais où pouvait passer toute la flotte qui tombe sur le plateau, ce doit être ici.
Après 10h de marche et 2300 m de dénivelée, nous posons nos sacs sur le plateau de la Dent de Crolles. Je vous passe les détails de cette soirée inoubliable, seuls au monde sur cette prairie de verdure parsemée de pins noueux. Heures éternelles face à un soleil lentement déclinant.
A 21h30, alors que nous discutions sur la vacuité du monde et de l’existence si éphémère de l’homme, des cris de bébé interrompent notre philosophie de comptoir. Bizarre autant qu’étrange, nous mettons précipitamment nos chaussures et partons mener une enquête, au bout de 10 minutes, force est de constater que nous n’avons pas rêvé. Un peu plus haut, nous apercevons 4 personnes, dont une avec un Bébé sur le dos, hagards dans les derniers rayons du soleil. Ils montent, redescendent, on ne sait pas trop. Il faut aller voir, peut être ont-ils un problème. En allant les rejoindre j’imagine déjà le scénario : ils ne savent plus ou ils sont, et je me vois déjà redescendre avec eux….. J’en ai plein les pattes et je suis plus bien en forme. Mais non, après les avoir questionnés, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, ils cherchent un endroit de bivouac….. Nous allons nous coucher, dubitatifs mais rassurés.
Le vent souffle fort et nous n’avons pas de tente, pas plus que Loic n’a de sac de couchage, il veut tester sa résistance. Je tombe illico presto dans les bras de Morflé... au chaud dans mon duvet, pendant que Loic s’agite dans un pauvre sur-sac. 8° au matin, c’est vrai qu’il est solide le gaillard, s’est pas plaint une seul fois.
2eme jour
Lever de soleil sur la dent de Crolles, plus bas, au col du Coq, nous optons pour l’esthétique parcours intégral par la crête. Mauvaise pioche, le topo de Luc est bien fait, vaut mieux descendre au Sappey, on s’est tapé 10 Km à la Rambo, lapiaz casse-pattes, végétation agressive, obstacles divers et variés et tout ça dans un dévers permanent. Nous arrivons au fort de Saint Eynard, vannés.
Nous nous séparons ici, Loic veut choper le train de 14h20. Il lui reste moins de 2h ! Le panneau annonce 3h50 …. Il y arrivera ! Pour ma part, je rentre tranquillement chez moi en passant par le sommet du Rachais, puisque j’habite juste derrière, à Saint Marin le Vinoux.
C’est une magnifique balade, aux portes de Grenoble et de Chambéry. Deux jours semblent un minimum pour jouir, à sa juste valeur, de la richesse et de l’isolement de ces hauts plateaux. J’ai eu dans la tête et en boucle la chanson « Nothing else matters ». Si je ne suis pas un inconditionnel de Metallica, (je préfère de loin Beethoven), il n’en demeure pas moins vrai que cette ballade est superbe. La première chose, arrivé à la maison, a été de la mettre à fond. Sûrement pour prolonger encore cette ambiance si particulière de ce voyage en solitaire sur les terres de Chartreuse.