La grisaille grenobloise nous pousse une nouvelle fois à nous en extraire par le haut. En montant au départ de la balade au Grand Rocher, nous sommes passés de l'ombre à la lumière subrepticement, à travers un angoissant brouillard givrant, celui-ci dépose au passage une élégante gangue de glace sur la végétation. En sortant de la bagnole, on a eu peur du froid, -9° ça pique un peu, la perspective de pique-niquer au sommet nous a paru incongrue, mais bon, le soleil devrait gagner en puissance en milieu de journée.
Rien de plus réjouissant que d'évoluer dans un tel décor glacé, rien ne bouge, pas un brin d'air n'agite la cime des sapins. Ce calme absolu fait perdre au froid son mordant, la marche nous réchauffe, on est bien, il suffit de se laisser bercer par nos pas. Évidemment, une fois à la croix, nous réclamons un petit supplément, alors nous virons les peaux et plongeons dans la pente poudrée. Par une facétie climatique, la poudreuse est mélangée à de petits cristaux de glace qui font crisser les skis à chaque virage. Les quantités de neige fraîche ne sont pas monstrueuses néanmoins elles permettent de glisser en souplesse à travers les doux reliefs encore visibles des anciennes traces. On s'en tape une bonne tranche avant de remonter une nouvelle fois au sommet. Le soleil pourtant chaud ne semble pas avoir d'influence sur cette poudre incroyablement blanche alors rien ne presse.
Nous ferons une pause juste en contrebas de la crête sommitale. Une halte roborative, après avoir déballé nos victuailles, nous redonne du jus pour une nouvelle descente. Une belle matinée en somme. Au retour dans la vallée, les températures toujours négatives nous rappellent cet air de Purcell issu de son opéra King Arthur, The Cold Song, magnifiquement chanté par la voix de basse de Nigel Beavan dans la version historique d'Alfred Deller.
Le froid on y aime !