‘ Bonjour Luc. J'ai réussi à monter sur le Pas de la Balme le douze juillet 2006, péniblement par rapport à mon âge. En effet, mon ami et moi-même avons mis cinq heures et demie pour atteindre notre objectif. J'étais exténué! Par la suite, la descente fut très très difficile. Nous avons mis six heures pour faire les trois quart du chemin. Heureusement que mon ami était là pour me soutenir car je ne pouvais plus marcher seul. D'autres randonneurs ont eu la gentillesse de m'envoyer un tracteur pour me déposer à notre hôtel "Le Caribou"…
Quelle épopée et beaucoup d’émotions pour Eugène en arrivant au Pas de la Balme, car c’est précisément là que seront tués quatre de ses hommes le 22 juillet 1944 : Robert Sauvan, Ernest Besson, Marcel Vachon, Xavier Robby.
C’était la guerre, la seconde guerre mondiale. Une page de l’histoire qu’on essaye d’oublier, une "journée tragique" raconte Eugène Weber, que celui-ci accepte de raconter aujourd’hui.
A vous la parole mon cher Eugène :
" Le 12 Juillet 2006, je décide d’effectuer un pèlerinage au Pas de la Balme afin de rendre hommage à mes compagnons d’armes tués lors des affrontements avec les troupes allemandes le 22 Juillet 1944.
C’est une photo prise par un randonneur, Luc Thollet de Bivouak.net, qui m’incitera à faire ce voyage, soixante deux ans après.
A cette époque, j’avais vingt et un ans et je possédais une formation Militaire acquise au 2eme Régiment de Dragons de 1941 à 1942 comme Brigadier.
Cette qualification me valut la nomination de Sergent à titre provisoire dans le Vercors. Je fus donc adjoint au Sergent Chef Albert Gambetz qui commandait une section d’environ trente hommes, composée uniquement de maquisards civils. Nous étions indépendants mais en collaboration avec des unités Militaires.
C’est à Corrençon-en-Vercors, le 12 Juillet 1944, que je prends le commandement d’un groupe de six volontaires pour relever l’équipe en place au Pas de la Balme.
Nous étions dans l’ignorance complète quant à savoir ce qui s’est passé après le départ de ces forteresses volantes. Pendant plusieurs heures, nous avons bien entendu au loin, des crépitements d’armes automatiques et des détonations d’obus, mais encore…. J’ai appris la tragédie de Vassieux bien plus tard.
Le 21 Juillet, n’ayant plus de nourriture depuis deux jours, je décide d’envoyer un homme à Corrençon afin d’obtenir le ravitaillement nécessaire en vivres. Il ne revint jamais. J’ai su par la suite qu’il avait été tué dans la forêt de Corrençon.
Le 22 Juillet 1944 au matin, une fusillade éclate. Deux de mes hommes sont tués sur le coup au milieu du sentier, et, Ernest Besson, à l’entrée du Pas. Robert Sauvan quant à lui est grièvement blessé près du poste de guet. J’ai appris bien plus tard qu’il avait été sauvagement achevé par l’ennemi et jeté en bas de la falaise avec les trois autres corps.
Dés le début de la fusillade, mon ami Paul, tireur au F.M.24/29, se met à couvert derrière un rocher et ouvre le feu sur une colonne allemande qui progresse dans les lacets du versant oriental.
Après l’avoir rejoint, l’impact d’une balle contre la roche me blesse très légèrement au-dessus de la tempe droite.
C’est à ce moment que j’aperçois un groupe d’allemands prendre position sur la Crête du Pas, juste au-dessus de nous. Ils nous avaient pris à revers par le versant Ouest.
J’avertis Paul qui se replie en courant pour atteindre les lacets du sentier, à l’abri des tirs adverses. Ce que je fais également. Quelques dizaines de mètres plus loin, nous prenons un raccourci, très escarpé, qui rejoint le sentier en direction de Château Bernard.
Légèrement en contrebas, Paul trouve une faille dans la roche qui surplombe ce sentier. C’est cet abri qui nous sauve la vie. En effet, quelques minutes plus tard, une nouvelle colonne allemande monte vers le Pas de la Balme afin de couper la retraite à d’éventuels maquisards. Heureusement, ils ne nous ont pas vu, ou presque! Un des Allemands s’arrête, se retourne tout en bloquant la colonne derrière lui, et porte son regard dans notre direction. J’avertis Paul de ne pas bouger. Nous a-t-il vu? Après un moment d’hésitation, celui qui le suit l’oblige à avancer et la colonne reprend sa marche... Quel soulagement! Nous étions sauvés provisoirement.
La nuit fut très longue, debout dans cette faille sans pouvoir bouger ni dormir. Ce n’est qu’à l’aube du lendemain, et à la faveur d’un épais brouillard, que nous avons pu quitter notre refuge et reprendre la descente vers la plaine.
Bien en contre bas, nous avons découvert un grand hangar fermé qui nous a permis de dormir toute la journée et la nuit. Après un repos bienfaisant, mais toujours sans avoir mangé et ni bu, Paul décide, le lendemain, de remonter par le même sentier, en évitant le Pas de la Balme, et de traverser le Plateau pour rejoindre Romans.
C’est à l’issue d’une longue marche à travers le Plateau du Vercors, et en évitant les patrouilles allemandes, que nous avons pu rejoindre la ville de Romans, puis notre section.
Notre chef fut très étonné de nous voir, étant donné que nous étions portés ‘disparus’.
Cette dramatique journée se termina par la mort de cinq résistants.
Mon ami Paul et moi-même sommes les seuls survivants de ce groupe de sept hommes.
[Ce récit est un message adressé en priorité à mes compagnons d’armes qui ont fait partie de ma section dans le VERCORS, en vue de les contacter.
En outre, de par cette publication, les visiteurs ou randonneurs de passage au Pas de la Balme seront de ce fait informés sur cette tragique journée.]
. Topo-guide du Pas de la Balme.
. Contacts : Eugène Weber et luc.