Le Balcon à Denis !
Oh non !!
Ç’est pas possible !!
Et c’est là que je dois passer maintenant ??
Sur cette étroite vire ??
Un mètre de large !!
Peut-être un mètre cinquante, maxi…
Le moral baisse brutalement. Et un trait de frayeur remonte dans mon dos.
Coupant à l’horizontale ce pan de falaise verticale, la vire est maintenant devant moi…
Moins qu’une vire, ce n’est qu’un mince balcon !!
Ce balcon, Denis m’en avait parlé.
Bien sûr, je l’avais imaginé peu large, étroit.
Mais là, c’est bien plus que l’idée que je m’en étais faite !!! Enfin, je veux dire : bien moins large que ce à quoi je m’étais mentalement préparé…
Une désagréable sensation de tournis me prend la tête.
Il faut me calmer un peu.
Je m’arrête, pose les deux mains sur le rocher, à hauteur des épaules, serre la prise fort, et fait avec les yeux un balayage panoramique pour prendre la mesure de ma position, ici, en pleine face…
Je me trouve probablement au deux tiers de la hauteur, maintenant. C’est à dire quatre-vingt mètres au-dessus de la Vire Supérieure ; elle-même cent mètres au-dessus de la forêt ; elle-même en pente très raide vers le bas. La vision ainsi reçue ne m’aide pas à faire passer ce bourdonnement, que le sang affluant dans le crâne provoque. Il me faut couper court à ce phénomène d’angoisse, et ramener mon regard vers le rocher proche : celui que je cogne presque du casque, puisque ici, et au-dessus de moi, la falaise est vraiment verticale…
Fermant les yeux, et prenant de longues inspirations, lentement, je cherche à faire tomber cette pression qui s’est brusquement imposée…
Je repense à tout ce que j’ai parcouru ce matin, en suivant ces pistes que tracent les chamois dans la Grande Roche St Michel.
D’abord, ce fut sur la Vire Supérieure.
Là, le terrain est commode. Bien sûr il y a de la pente, mais d’une façon bien raisonnable. Large d’une trentaine de mètres, cette vire est constituée d’un enchevêtrement de pierriers, de broussailles, et d’arbres nombreux. La végétation, haute et dense, procure un vrai sentiment de sécurité, laissant penser que toute glissade dans ce travers serait stoppée très rapidement.
Dans les parties de pierriers, la difficulté est due aux cailloutis légers qui fuient sous chaque pas : c’est une partie d’équilibre qu’il faut engager, pour laquelle le piolet sert de canne d’appui. Dans les parties plus broussailleuses et aux branches parfois basses qui entravent l’avancée, c’est alors une gymnastique d’assouplissements qu’il faut pratiquer !
Cette ambiance de solitaire n’est pourtant pas oppressante, malgré la haute falaise qui domine. Heureusement qu’aujourd’hui, rien ne tombe d’en haut : aucun caillou, aucun glaçon !!
Tout est bien, donc.
Les traces de passage des chamois sont ténues, dans ces pierriers fins…
Lors de mon premier parcours ici, l’été dernier, j’avais trouvé des sentes bien visibles, bien marquées. Aujourd’hui ce n’est pas le cas : j’ai du mal à les voir. Et je ne comprends pas pourquoi.
Peut-être ces traces ont elles été atténuées par la neige, cet hiver ? Par l’effet de son tassement sur les petits cailloux ? Et comme depuis la fonte il y a seulement quelques jours, le nombre de passages des chamois a du être réduit, cela expliquerait alors ce marquage faible ?
Peut-être, aussi, mes souvenirs se mélangent t-ils ?
Entre l’été et la fin de l’automne derniers, j’ai souvent parcouru les chemins des chamois sous le Grand Cheval, un peu plus au Sud qu’ici. Et là bas, j’en suis tout à fait sûr, les cheminements sont très nets, très évidents à suivre. Je dirais même : très confortables à parcourir. Et donc, permutant les souvenirs d’un lieu avec ceux de l’autre, j’attribuerais à la Vire Supérieure des chemins faciles qui appartiendraient en fait au Cirque Fabuleux sous le Grand Cheval…
Ici en tout cas, et faute de ces traces que je ne trouve pas, ma progression est un peu chaotique.
Je me suis arrêté à l’Eperon Central, pour m’asseoir, manger un peu.
Et surtout pour regarder la suite du cheminement, car je ne la connais pas. Ce que j’en sais, c’est Denis qui me l’a expliqué.
Oui, Denis HORY.
Avec Denis, nous nous sommes rencontrés en octobre passé.
C’était par le biais du forum de Bivouak… et à propos de ces balades aux pieds des falaises et sur les vires. Déjà.
Nous avions fait ensemble une visite au Cirque Fabuleux, à parcourir ces chemins de chamois. La journée avait été magnifique, et nous avions pu, grâce à cette présence réciproque, faire une belle exploration.
Nos points communs, nos envies semblables, nous avaient fait parler de la Vire Supérieure, ici à la Grande Roche St Michel, et de ses possibilités de « voyages »…
Plus tard, vers la fin de l’automne, Denis était venu faire une visite dans le secteur. Et c’est suite à cette visite qu’il m’avait raconté avoir trouvé un cheminement, dans la face. Cela l’avait amené jusqu’au pied de la partie finale, verticale, jusqu’à cette strate horizontale à peine visible depuis la vallée. Il avait traversé la falaise à l’horizontale sur cette strate, puis au-delà avait remonté les quelques dernières pentes sous la crête. Pressé par la nuit qui tombe vite en fin d’automne, Denis n’avait pu aller au bout, et avait du redescendre en laissant un point d’interrogation quant à la fin du parcours.
Ses explications étaient enthousiastes, et il affirmait qu’il y avait là une solution possible pour sortir au sommet de la falaise. Ses explications étaient d’autant plus encourageantes qu’il me disait avoir tout le long suivi des traces de chamois.
Or donc, si les chamois vont par-là, c’est que cela passe !!
Au moins, cela passe pour eux…
Quant à nous ??? Rien n’est moins sûr. Mais quand même, il fallait aller voir.
Depuis l’Eperon Central, je scrute.
La logique d’un cheminement prend forme, s’appuyant sur les formes du relief : sur une terrasse intermédiaire ici, sur un vague couloir là, contournant ce ressaut par la droite…
J’arrive à saisir l’enchaînement de ce qui doit être fait, dans ce terrain, bien différent de la Vire Supérieure où je viens d’évoluer.
En effet, devant moi, il s’agit d’une autre « paire de manches ».
Là, ce n’est plus une vire, mais une face !
Autant la vire était pentue, autant cette face est raide !!
Bien sûr, il n’est pas question de verticale. Je n’ai plus les moyens, ni l’envie, de m’engager dans ces verticales rocheuses, comme je l’ai eu fait si souvent, et avec tant de plaisirs, il y a vingt ans…
Mais là, quand même, il faudra mettre les mains pour monter, se tenir au caillou et garder l’équilibre, voire même, mettre les mains pour franchir quelque passage…
Le registre n’est donc plus le même.
Ai-je les moyens d’y aller ?
Sans gros doute possible : oui.
Ai-je l’envie d’y aller ?
Evidemment oui !
Pour être un passage de chamois, cela en est un !!!
D’abord parce que le chemin est devenu escarpé ! Mais aussi parce que leurs traces sont vraiment manifestes. Ils ont du être si nombreux à passer par-là, que tout le cheminement est nettoyé des pierres instables !! C’est à peine croyable !! Partout, les cailloutis ont disparu !!
Et finalement, il ne reste plus que les pierres solides ou, pour le moins, les pierres stables. De belles et bonnes marches permettent de poser confortablement les pieds, et d’assurer son équilibre sans difficulté…
Je n’en reviens pas de cette surprise !!
Une fois de plus, je suis bluffé par ce que je découvre en suivant les chemins des chamois !!
Ils habitent ces coins de montagne depuis toujours. Ils en connaissent toutes les ruses, et en exploitent chaque possibilité. Ici, dans cette zone franchement peu engageante, dans cette face austère, ils passent et repassent et créent un vrai chemin. Un « chemin » aérien, certes, mais un chemin que je remonte maintenant, à leur suite.
C’est pour moi l’entrée aux Pays des Chamois…
Je pense à Denis, qui s’est engagé là le premier, il y a quelques mois.
Quelle intuition !!
Quelle fabuleuse intuition !!
De plus, vouloir monter dans cette zone qui, vue du bas, paraît n’être qu’un empilage de mauvais cailloux et de murs infranchissables, il fallait oser…
Avoir l’idée de partir là dedans, c’était loin d’être évident !
Chapeau bas, Monsieur Denis !!
Félicitations !!
Je monte.
Finalement, il s’agit presque d’un escalier..
Ce qui est rassurant, primordial, c’est la bonne tenue des pierres. Tout est tellement bien nettoyé par les passages forcement nombreux de ces chamois, que rien ne bouge des prises que j’utilise. Du coup les pas s’enchaînent, facilement, et à bon rythme.
Je monte.
Quand même, au bout d’un moment, je m’arrête pour regarder d’où je viens. Pour regarder par où je suis passé.
Hop là… !
Choc de la perspective fuyante !!
Dans cette face raide, au-dessus d’une vire pentue, dominant la basse forêt lointaine, le volume de l’espace a beaucoup augmenté !! Et augmenté vers le bas, surtout.
Je prends une large respiration… et tâche de calmer les battements d’un cœur, soumis autant à l’effort qu’à la forte émotion.
Je prends aussi des repères pour la descente, pour pouvoir ne pas hésiter lors de ce retour, pour savoir s’il faut aller à gauche ou à droite, ici ou là… Je sais d’expérience que ces points de repère me permettront de rester calme, maître de moi quand je repasserai là.
Et dans l’immédiat, ces points de repère me rassurent sur un autre aspect. En voyant ces passages, et en analysant leur difficulté, je comprends que celle-ci est suffisamment réduite. Cela me confirme que je saurai faire la descente, tout à l’heure…
Je ne suis donc pas être allé trop loin.
Je ne me suis pas mis dans une nasse.
Pour plus de tranquillité, je jauge cet arbre, le seul du secteur, dans l’idée de poser mon rappel dessus si, tout à l’heure, j’en éprouvais le besoin.
Il faut être très concentré.
Ici, un vrai pas d’escalade, en III, pas plus, mais c’est déjà beaucoup.
La montée se continue, pourtant si aisément.
Le calcaire souvent fracturé dans cette falaise, devient parfois plus rassurant. Et, dans une traversée que j’effectue vers la droite, sous moi, longue de quelques mètres, il y a une vraie dalle : lisse, compacte, d’un gris clair magnifique. Sculptée par les eaux de ruissellement, cette dalle laisse voir de voluptueuses cannelures, aux formes arrondies qui donnent envie de plaquer les mains dessus…
La beauté à l’état pur !
La strate horizontale est bientôt là, à dix mètres au-dessus, tout au plus.
La strate horizontale dont m’a parlé Denis…
Plus je m’approche, plus je la trouve petite, serrée…
Je ne suis pas tranquille. Je suis même inquiet.
Denis m’a raconté que cette strate était étroite, que les chamois passaient dessus, que leur trace y était bien marquée, mais que c’était impressionnant…
Impressionnant !!
Ça veut dire quoi finalement : impressionnant ?
Cette notion est on ne peut plus subjective. Alors ça veut dire quoi, « impressionnant », exactement ??
Deux pas à faire encore.
Un pas…
J’y arrive…
Des yeux, je lâche le sol que je scrutais jusque là pour trouver les appuis de pieds, et regarde sur ma gauche, à l’horizontale, vers la strate…
Vers la strate…
Oh non !!
Non !!!
Ç’est pas possible !!
Et c’est là que je veux passer maintenant ??
Sur cette étroite vire ??
Même pas un mètre cinquante…
Coupant à l’horizontale ce pan de falaise verticale !!
Un instant de panique me paralyse.
Les yeux fermés, les mains crispé sur mes prises, je cherche à me calmer…
J’ouvre les paupières.
Je regarde.
Sur ce balcon, il y a de l’herbe !!
Quelle incongruité !!
Même sur la Vire Supérieure, en dessous, il n’y en a pas comme ça.
Bien sûr cette herbe est sèche, couleur paille, et donc datant de l’année passée. Mais les touffes sont si fournies, si épaisses, que je me demande par quel miracle elle a pu arriver jusque là ! Et pousser sur cet endroit aussi sec et loin de tout. La longueur des brins est surprenante : quarante ou cinquante centimètres sûrement.
Séparées en deux volumes, ces touffes d’herbe laissent apparaître en leur milieu une zone de terre, sèche elle aussi. Cette zone de terre forme comme un trait, rectiligne, qui traverse tout le balcon, et disparaît derrière l’angle rocheux, trente mètres plus loin…
Cette mince ligne de terre, sur le balcon, c’est la preuve indiscutable, irréfutable, incontournable, que les chamois passent là ! C’est leur chemin ! C’est là que, très probablement, ils courent d’ailleurs…
Si je tiens à réaliser mon projet, à suivre cette envie de parcourir les chemins des chamois, cela signifie qu’il me faut passer là moi aussi…
J’hésite.
Et en même temps, j’analyse…
Cette strate est tout à fait plane, et la trace fait trente centimètres de large : c’est très suffisant pour marcher. A main droite il y a la falaise qui forme un peu surplomb à environ un mètre cinquante de haut. Je pourrai éventuellement me tenir au rocher à quelque prise que j’aurais trouvée. Ou bien m’appuyer contre, pour stabiliser l’équilibre sur un pas. Si besoin je m’accroupirai et avancerai à quatre pattes…
Les solutions existent, donc…
Je vais y aller…
Je m’approche.
Il me reste une marche, une haute marche à franchir pour être sur le balcon…
Ça y est, j’y suis…
Debout, paume de la main droite en appui sur la falaise, main gauche en balancier côté vide, j’avance calmement. Ma concentration est extrême, et le regard ne quitte plus le sol où je fouille les détails du relief, cherchant les meilleures surfaces planes, guettant les pièges éventuels d’une rainure ou bien d’un caillou pouvant déjouer l’équilibre…
J’avance, calmement.
Je n’ose pas détourner le regard, quitter la trace des yeux.
L’univers s’est réduit à un seul mètre cube : celui à l’intérieur duquel je suis rentré. Ce mètre cube que je déplace lentement avec moi, à chaque pas que je fais sur le Balcon…
J’avance.
Une tentative de regard vers le vide, à ma gauche.
Oh là !!!
Les perspectives bougent, prémices de vertiges plus forts !!
Ne pas recommencer !
Je ramène les yeux devant mes pieds. Et continue d’avancer, de pas en pas, m’acclimatant petit à petit à cet exercice de concentration.
Les trente mètres sont terminés.
Tout a été très vite. Je me sens concentré, de plus en plus sûr, mais tout de même fébrile dans l’attente de connaître la suite derrière l’angle de la face, cette suite qui pourrait être une mauvaise surprise ?!
Cette surprise est mitigée.
Mitigée parce que si la largeur du passage augmente, ce qui est un point positif, le chemin lui, descend fortement sur une dizaine de mètres avec un sol en terre gravillonnante, ce qui n’est pas franchement engageant. Tout ça pour arriver dans un large auvent…
Rien n’est simple !!
Pourtant, en étant attentif, très attentif, tout ce passe bien et ces quelques pas ne sont pas autant stressants que je le craignais.
Au débouché, après l’auvent, ce sont de nouvelles pentes d’herbe et d’arbres, certes bien raides, mais infiniment plus accueillantes que ce Balcon où je me trouvais. Je m’arrête, prends la gourde, bois quelques gorgées d’eau, m’assieds…
Un fond d’inquiétude s’installe. Le retour, et son chemin vertigineux, ne me laisse pas tranquille…
Je sais pouvoir repasser là, sur ce Balcon. Je saurai le faire, à l’envers, ce passage. Mais cet engagement fort, nécessaire, vital, que cela me demandera, pompe par avance l’énergie dont je dispose.
Troublé par ces pensées, je n’ai plus la même acuité.
Je ressens péniblement la chaleur, et la fatigue commence à prendre le dessus.
Voulant quand même sortir sur la crête, à quelques trente ou quarante mètres au-dessus de moi, je reprends le cheminement des chamois. Un peu laborieusement, je monte, hésite, cherche un passage, il ne convient pas, en cherche un autre, le trouve, franchis une barre rocheuse en faisant de l’opposition sur un arbre…
Finalement, je débouche dans la zone où prend fin la végétation, ainsi que les vires et marches que j’utilisais. Je bute sous un petit mur. Il n’est pas franchissable pour moi. Et pourtant il me semble détecter les traces du passage des chamois dans cet endroit !? Je ne sais pas si je peux croire cette constatation que je fais. Les chamois sont-ils capables de monter là ? Dans un mur que je jauge être du V en cotation d’escalade !? Je reste dubitatif.
Pour ma part, ce sera ici que je m’arrêterai.
Tant pis pour la sortie en haut.
Même si cela constitue à mes yeux l’un des buts à ces balades, je ne cherche pas à l’atteindre à tout prix, en tout cas pas au prix de risques trop forts.
Ce que je cherche en venant ici, ce sont les plaisirs de faire de belles balades, les joies de découvrir des lieux fabuleux, cette forme de sérénité qu’il est possible d’éprouver dans des coins isolés, un peu loin de tout. J’aime profiter, aussi, de ces vastes panoramas qu’offrent les sommets ou les falaises, à partir desquels la vue s’allonge au loin, ou bien s’infiltre dans les replis d’une vallée, vers les secrets d’un relief que l’on n’aurait jamais détectés autrement…
J’aime cette paix intérieure, inversement proportionnelle à la fatigue musculaire…
Allez savoir pourquoi ???
Et pour l’instant, en tous cas, je le suis, fatigué !
A la descente, les cuisses ne « chauffent » plus !!
Curieux phénomène.
Ça toujours été comme cela. Tout au moins pour le début de la descente…
Traversée de l’auvent…
Puis la pente gravillonneuse, dans le sens de la remontée…
Et c’est le retour sur le Balcon !!
Dans ce sens aussi, l’impression est forte !!
Diable !
Je ne veux pas attendre trop, et offrir ainsi à mes doutes une opportunité de prendre l’avantage. La fatigue étant partie, il me faut en profiter.
Je reprends cet effort mental de concentration de l’attention sur l’espace extrêmement proche, et, comme le photographe faisant de la macro, je me focalise sur les millimètres devant moi, laissant le reste du volume alentour dans un flou total. De cette façon là, avec beaucoup de sûreté, je retraverse les trente mètres de l’horizontale qui sépare deux mondes l’un de l’autre. Je quitte ces pentes d’en haut, ces pentes où vont les chamois, ces pentes presque inaccessibles qu’ils utilisent peut-être comme refuge, je quitte cette bulle d’espace où je ne suis rentré que pour une demi-heure tout au plus, et, à travers ce passage si étroit, si fin, si petit qu’il me fait penser au goulot d’une bouteille, je me rapproche lentement, à petits pas, de l’autre monde, le monde d’en bas, le monde normal, le monde de tous les jours…
Je descends la haute marche. Cette haute marche qui marque le début, ou la fin, c’est selon, du passage…
Voilà, j’en ai terminé avec le Balcon.
Le Balcon à Denis…
Mais oui, bien sûr !
Sans même l’avoir cherché, ce nom s’impose à mon esprit, et je le trouve parfait !
Le Balcon à Denis !!
Oui, Denis ! Lui qui a eu cette idée si surprenante, cette envie de venir ici. Lui qui a eu ce culot de passer là !! Lui qui m’en a parlé, et m’a transmis la même envie.
Le Balcon à Denis !!!
Voilà une façon très heureuse, de lui rendre le plaisir que j’ai eu à découvrir ce monde caché…
Descendre, ici, c’est presque de la dé-escalade.
Il faut faire bien attention à l’équilibre. Heureusement que cette face est vraiment nettoyée de toutes les pierres branlantes.
Passage à côté de l’arbre, sans avoir besoin de poser le rappel.
Derniers mètres….
Et voilà, ça y est, je suis revenu sur la Vire Supérieure. Revenu sur la terre ferme, comme disent les marins ! Je retourne m’asseoir sur l’Eperon Central, et pour continuer de boucler la boucle, je scrute à nouveau les passages que maintenant je connais, mais qui restent malgré tout tellement hallucinants, un peu incompréhensibles…
Je suis passé là !! Je le sais !!
Mais je n’ose y croire…
Le retour est long.
Chaotique, encore…
Et puis la chaleur est difficile à subir.
Dans la forêt, je cherche toujours de nouveaux repères.
Ces repères pour une fois prochaine, une fois où je reviendrai encore dans ce coin. Pour suivre ces traces des chamois, et découvrir à leur suite ces mondes à part où ils s’en vont. Pour découvrir ainsi ces paysages magnifiques qu’ils inventent. Et pour profiter d’une nature si belle, et si riche en émotions…
Seyssinet-Pariset, 03 mai 2007