Sylvain Saudan - accueil
le dauphiné libéré du 31 mars 2020
Il y a 50 ans le skieur de l’impossible descendait l’Eiger
Par - 31 mars 2020 à 09:58 - Temps de lecture : 2 min"Ça fait 23 ans que je fais de l’héliski là-bas. Passer une nuit dehors ça m’est arrivée une dizaine de fois au Canada", relativise cette figure de l’aventure, même si les clients n’en gardent pas un très bon souvenir.
Lui se souvient qu’il y a un demi-siècle, le 9 mars 1970 exactement, sa descente de la face nord-est de l’Eiger (3970 m) en Suisse lui permettait d’accéder à la notoriété internationale. Pourquoi celle-ci en particulier ? Après tout, auparavant il y eut sa descente du couloir Spencer à l’aiguille de Blaitière, en 1967, le Whymper à l’aiguille Verte en 68, puis le Gervasutti au mont Blanc du Tacul, le Marinelli au mont Rose ou la face nord de Bionnassay avant cet hiver 70 ? « Parce que c’est celle qui m’a projeté sur le plan international, et m’a fait accéder à la salle Pleyel à Paris pour 27 conférences. J’ai même fait des projections à l’Olympia. Bref elle m’a ouvert bien des perspectives ».
Equipé de planches de 2,10 m, gage de stabilité pour l’époque, Saudan avait surtout tapé dans l’œil des médias car il était en concurrence avec un Japonais pour cette descente de l’ogre, surnom de l’Eiger, sommet mythique des Alpes bernoises. "Ça m’arrivera deux fois dans ma carrière". La suivante en 1979, dans la quête du premier 8000 à skis, tournera à la tragédie quand le Grenoblois Yves Morin perdra la vie à l’Annapurna alors que dans le même temps son expédition au Dhaulagiri déplorait 3 morts.
"À l’Eiger, il y avait aussi difficulté la pente, plus de 45 degrés. Il ne fallait pas tomber. Et il n’y avait pas beaucoup de neige sur les rochers. Bref, la chute était interdite. J’ai attendu deux ans pour la faire", précise Saudan, soulignant les ressorts de son épopée. Et puis son concurrent japonais le stimule. "Il y avait une tension nerveuse qui corsait la difficulté. »
Les jours précédents, les deux rivaux qui dorment deux hôtels en vis à vis sont comme deux boxeurs avant le combat. Ils s’observent et attendent le moment propice. Et quand les hélicoptères décollent pour déposer les deux skieurs au sommet, le Japonais est-il par le mal des rimayes ? En fait les nuages compliquent la dépose. « Il s’est aussi rendu compte de la pente pendant le survol", estime Saudan qui lui a la chance de pouvoir atterrir dans la pente, grâce à l’expérience de son pilote Bruno Bagnoud. Le Suisse aura le champ libre et son exploit en préfigurera d’autres. Avec en apothéose, douze ans plus tard, la descente du premier 8000, le Gasherbrum I.