Première de La Meije |
D'après Le roman de Gaspard de la Meije - Isabelle Scheibli - Editions D. Richard - 1986 |
" C'est un lieu reculé, dans une lointaine contrée d'Oisans au paysage sévère. Des petits champs bruns et roux s'étagent en damier tout au long de versants arides. Une vallée âpre, s'enfonce profond et se précipite dans le torrent du Vénéon. |
Pourtant, là-haut, tout en bordure de ce ciel, ces roches mornes se hérissent de pointes toutes blanches, si brillantes que l'oeil en est tout surpris et qu'il se plisse. |
C'est dans ce cadre fabuleux que se déroule une
grande page de l'histoire...
Voici quelques extraits de ce bellissime ouvrage. |
" Castelnau le regarde avec des yeux graves. Il sait bien que c'est là une grande entreprise, il sait la difficulté. Il la connait un peu cette montagne. Il a déjà tenté d'y monter , l'an dernier, avec Henri Duhamel, du côté de La Grave. |
- Nous pouvons réussir... mais à condition d'être ensemble, Gaspard. Nous nous connaissons bien et nous nous complétons. Vous êtes le meilleur compagnon que je puisse trouver... |
Peu de temps après, alors que Castelnau est
reparti dans ses terres, tentative de Henri Duhamel, accompagné de
deux guides chamoniards. Gaspard, tressaillant de peur à l'idée que Duhamel ait réussit, les rejoint alors que la cordée est déjà sur le plancher des vaches. Duhamel lui dit : |
- Nous avons laissé un homme de pierre à l'altitude 3350 m... Je pense que plusieurs siècles devront s'écouler avant que l'on puisse épasser ce point précis. |
Imaginez le soulagement pour Pierre Gaspard! Mais La Meije est prisée, au Nord comme au Sud... elle est une cime très convoitée. Gaspard envoie ainsi un télégramme à Castelnau pour lui faire savoir l'urgence de l'affaire... |
Ils montent sans encombre. Ils passent le Glacier des Etançons et arrivent à l'Epaule du Promontoire (...) Ils grimpent, et vers 9 heures ils parviennent à la Pyramide de Monsieur Duhamel. |
Enfin ils parviennent près du petit glacier, ce rectangle blanc qui fait comme un oeil, sur la roche noire du Bec (...) Ils se trouvent sur une crête qui domine le petit glacier carré d'un côté, et tombe sur la vallée de La Grave de l'autre (...) Ils prennent pied dessus. Ils restent sans un mot, les quatre, à regarder ce grand pan de neige. Ca fait comme un immense drap blanc qu'on aurait étendu sur la montagne pour le faire sécher. Et sur ce drap, aucune trace d'homme, aucune trace d'animal. Aucun pied au monde ne s'est jamais posé là. Des larmes leur montent au bord des yeux... |
Et l'ascension se poursuit, avec hargne, Gaspard entraîne ses compagnons... |
C'est vers la cime, vers le haut qu'il regarde. Vers
cette pointe qui se détache, là, sur les nuées affolées.
Il monte sans savoir comment, soulevé par une vague de joie. Et le
voilà qu'il prend pied sur le juste sommet de la Grande Meije. -Ça y est, Monsieur, y a plus au-dessus de moi que les nuages! |
Reste la descente, dans la tourmente, un bivouac dans la tempête,
la neige qui les recouvre, le froid qui engourdit les corps. Au petit matin,
dur est le réveil! Un passage encore : la pyramide de Monsieur Duhamel... Gaspard l'attaque avec son couteau, il enlève le givre de la roche! Et petit à petit il gagne des mètres, et petit à petit, la cordée arrive au Chatelleret... puis La Bérarde. |
Et une page de l'alpinisme ainsi se tourne... |