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S'il existe un départ de rando que j'adore, c'est bien celui du Rivier. Autant les départs comme Freydière sont glauques dans la froidure du matin, autant Le Rivier resplendit dès les premières lueurs. D'ailleurs il ne faut pas attendre d’être arrivé au village, rien que sur le pont qui enjambe le lac nucléaire* du barrage d'Allemond, le regard est invariablement attiré par les altiers sommets qui illuminent déjà la vallée froide et sombre... Froide on peut le dire, -17° à Roche Taillée et seulement -12° au Rivier, c'est évidemment avec ces températures que j’oublie les grosses moufles dans la voiture, il faudra donc faire avec les gants légers. On pourrait croire à une certaine nonchalance dans ma démarche puisqu'il me faut régulièrement monter les mains dans les poches pour rétablir douloureusement la circulation au bout des doigts. Mais comme vous pouvez le constater, il n'a pas fallu m'amputer d'un doigt puisque j'arrive encore à vous arroser de ma prose, c'est pas de bol !
Après une longue piste à peine montante entrecoupée d'arbres couchés plus ou moins difficiles à franchir avec ma grande carcasse, j'attaque enfin la montée. Une belle trace retapée de ce matin même permet de prendre de l'altitude relativement facilement. Les champs de poudreuse sont omniprésents et me font saliver à la manière de Pavlov... Cependant une couverture nuageuse de plus en plus sombre envahit le ciel jusque là d'un bleu limpide. Le jour blanc montre son nez, ce qui n'arrange pas mes affaires. Peu à peu le massif des Grandes Rousses se cache dans des nuées neigeuses, Caplain avait raison, il est 11h précises et le mauvais temps arrive. Un groupe cosmopolite me rattrape, j'en profite pour les laisser passer, la trace, refaite par un solitaire reste un peu pénible à suivre. Manque de bol, ils s’arrêtent un peu plus haut craignant la tempête, me laissant face à cette neige vraiment profonde.
Mais cela ne durera pas puisque deux jeunes gens plein d'énergie prennent la relève. Les deux cents derniers mètres sont très longs, surtout avec les premiers flocons annonciateurs de la franche dégradation. Il faut bien reconnaître que ceux qui ont fait la trace vendredi sont sacrement burnés, les quantités de neige sous la monstrueuse corniche du col sont impressionnantes. J'hésite entre m'arrêter avant de passer à l'aplomb de cette gigantesque meringue, ou forcer l'allure pour réduire au minimum la durée d'exposition sous les tonnes de neiges de la corniche... J'opte pour la deuxième solution, mais il faut bien reconnaître que je n'ai pas vraiment pu accélérer, j'étais déjà au max. Bref, compte tenu du vent glacial qui souffle au col, je reste avec les deux compères juste sous le col.
Déchausser dans ces quantités invraisemblables de neige n'est pas simple, sitôt le pied posé que la jambe s'enfonce jusqu'à l'aine ! La météo tourne franchement au mauvais, il est temps de déguerpir. Mes deux amis sont déjà prêts et j’apprécie grandement qu'ils me demandent s'ils doivent m'attendre, voilà qui est urbain ! Je décline leur offre puisqu'il s'agit d'assumer son autonomie jusqu'au bout. Seul au monde j'engage mon premier virage, si la visibilité est mauvaise, la neige, elle, est excellente, du coup je me lâche un peu mais dans la seconde qui suit je viens buter sur un bout de meringue glacée... cul pardessus tête juste sous l'épée de Damoclès de la corniche peu avenante... Ah bravo la démarche sécuritaire ! Je rechausse comme je peux, les lunettes de travers, les carreaux plein de neige et de buée...
La suite est heureusement plus agréable, on passe vite sous le brouillard et le jour blanc tant redouté n'est pas si gênant. On trouve tout le long une épaisse couche de neige que j'ai trouvée certes un peu plus lourde qu'hier. Je demande donc à mes Fats de faire ce pourquoi je les ai payés : de grandes courbes à grande vitesse, il faut reconnaître qu'ils excellent dans ce genre d’exercice. Il me faut néanmoins rester près des autres traces pour mieux apprécier les bizarreries éventuelles du manteau neigeux et éviter de me prendre une seconde pelle avec pour corollaire de me geler encore plus les mains dans mes gants de compétiteur – ce que je ne suis pas d'ailleurs.
A la finale une sortie bien agréable, mais il me semble que l'exercice plaisant des grandes courbes a eu un effet néfaste sur ma vieille colonne vertébrale, il n'est pas sur du tout que j'arrive à me lever demain matin....
*Nucléaire puisque sa fonction première est de servir de bassin de rétention d'eau. Eau que l'on pompe vers le haut comme les shadoks savent si bien le faire. Il s'agit en effet de faire tourner les puissantes turbines à l'envers aux heures creuses puisque la particularité du nucléaire est que sa production électrique n'est absolument pas modulable...
Merci, Ton bivouac ce week-end est une belle aventure! Au fait, ce n'est pas le ski de dimanche qui m'a mis le dos en travaux, c'est la neige à Grenoble qu'il a fallu pelleter hier : Lombalgie aiguë, pas moyen de me lever aujourd'hui.... :x
Non rassure toi il y a toujours des personnes contentes de lire ta prose !
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