C'est galvanisé par cette semaine de beau temps que j'aborde la trêve dominicale, il s'agit d'en profiter à mon tour. Eh bien non... Le radieux soleil n'est plus là , une belle brume de haute altitude occulte le réchauffement prévu. Au lieu de la belle moquette escomptée, c'est une tôle infâme. Pourtant il faisait très doux ce matin, d'ailleurs le regel est quasi inexistant, tout cela est bien contrariant. J'aurais du viser un versant nord, mais maintenant que je suis à Prabert, je n'ai pas d'autre alternative que de suivre le flot toujours plus gros des randonneurs du weekend.
A la première plaque de glace, je gare la caisse, il est fini le temps où il fallait à tout pris monter au plus haut, car enfin, à y réfléchir, ne sommes nous pas ici pour marcher? alors pourquoi vouloir aller plus haut en bagnole? Et puis à la descente ces plaques de glace ne devraient pas être gênantes avec les skis. Le ciel est sinistre, comme une chape de plomb, il écrase les reliefs et atténue les contrastes, ce n'est pas un jour blanc mais plutôt gris. L'ambiance est morne comme un enterrement, à plusieurs moments j'en suis même à hésiter sur un éventuel demi tour... Mais cela ne se fait pas, dans la tempête d'accord, mais là , la visibilité est bonne, la neige accroche puisqu'elle n'est pas vraiment dure, autant continuer. La fin de la piste arrive, puis la sortie de la forêt, et enfin Aiguebelle. Au panneau d'orientation jaune il est question de différentes destinations, la plus proche est tentante, le Pas de la Coche me fait de l'œil, mais la perspective de monter sous cette ligne électrique ne m'enchante pas plus que cela. La cime de la Jasse ? J'ai vraiment pas la caisse je me traine comme derrière un corbillard, reste le col de l'Aigleton, allons y.
C'est à ce moment que me double un athlète, emmailloté dans un énorme préservatif coloré bien trop petit, il est tendu comme un string. Nous pouvons au passage admirer sa plastique sous cette fine couche de latex. Ses pompes de ski ressemblent plus à des baskets qu'à des grolles de ski de randonnée. Il passe dans une foulée altière quoi qu'un peu molle à mon goût. Je repars tranquillement alors que l'athlète disparaît de l'horizon, entre les replis du relief. Un peu plus haut j'entends des voix au dessus de moi??? A bien y regarder, il y a des gens dans le couloir du Pin, encore une fois j'hésite, et si j'allais m'amuser dans cette pente plus raide où la trace est habilement faite? Après mûres réflexions j'oublie cette idée farfelue, la neige est vraiment trop dégueulasse.
Toutes ces hésitations auront un effet négatif sur mes performances, trois heures trente pour abattre les 1100 mètres de dénivelé, je ne suis pas prêt de faire la Pierra Menta, ça tombe bien, je n'en ai aucune envie, la foule me refoule. Justement aujourd'hui j'ai bien choisi la destination, il n'y a plus personne dans ce joli vallon. Au col arrivent de l'autre versant deux ou trois randonneurs et un superbe clébard, il doit être le résultat d'une union entre un husky et un bergère allemande, ou quelque chose comme ça. Il a faim et reluque avec insistance sur la seule barre de chocolat que j'ai apportée pour me sustenter. Son maître, qui a un sac à dos minuscule à côté de mien, en extrait un magnifique casse croute.... Je ne sais pas comment les gens font pour avoir des sacs aussi petits, y a rien dans le mien et pourtant il est lourd et volumineux, c'est à n'y rien comprendre...
Quand à la descente, elle ne restera pas dans les annales, non seulement la neige est béton, mais la lumière terne gomme tous les contrastes, on y voit que dalle... Les anciennes traces profondes des chanceux d'hier sont autant de rails de chemin de fer qui vous déséquilibrent à chaque fois qu'on s'en approche. L'objectif du jour n'est pas de prendre son pied dans des courbes voluptueuses, mais bien de descendre sans se ramasser la gueule dans les énormes cailloux qui barrent la pente. On n'est pas loin du style traversées-conversions. La meilleure partie sera finalement le border-cross dans la forêt, comme la neige n'y a pas gelée, elle reste souple et les nombreux passages ont plus ou moins damé la piste.
Tout ça pour dire que les conditions de neige aujourd'hui ne valent même pas une malheureuse étoile, tout au plus un astéroïde sombre et cramé.
Même la route n'est pas amusante, c'est une succession de plaques de glace et de goudron. Je me fais cependant un point d'honneur à ne déchausser que dans les cas vraiment extrêmes. À moins de 50 mètres entre deux plaques de glace, je ne déchausse pas. Évidement à ce tarif, il vaut mieux une paire de skis cailloux, ça tombe bien je suis chaussé de mes vieux intuitiv Vertical que je n'ai jamais aimé, ça leur reste bien.
Si je n'ai pas trop apprécié ces conditions, il n'en demeure pas moins vrai que j'y ai pris un certain plaisir, celui de marcher dans la montagne. Pourvu que ça dure !
Suite à la vision de la petite youtu.be/Sj3DhOGKEzk, je me suis procuré l'album Banga de la divine Patti Smith, c'est vraiment du lourd, un ensemble de chansons excellentes et parfaitement enregistrées, on l'a pas encore enterrée, la prêtresse punk!