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On pourrait objecter qu'aller aussi loin pour un si petit sommet est une hérésie par les temps qui courent, et on aurait raison, néanmoins je rétorquerais que nous sommes deux à partager l'emprunte carbone, et surtout que nous ne connaissons ni l'un ni l'autre ce sommet, pas plus d'ailleurs que sa faculté à accueillir des parapentistes. C'est ainsi que nous débarquons dans un Gap encore ensommeillé par les petites routes qui nous rapproche de l'atterro. Quel l'attero ? Eh bien celui repéré sur la photo satellite hier soir.
S'orienter dans la banlieue Gapensaise n'est pas une mince affaire, nous faisons donc appel aux technologies secrètes qu' héberge l'Ifone de Luc. Il nous mène sans détour devant une grande prairie tellement idéale qu'elle est déjà équipée de deux flammes pour recevoir les parapentistes venus du ciel. Nous garons le vieux tacot et entamons la marche. Mes scrupules évoqués en début de récit finissent de disparaître quand les recherches du sentier le plus adapter pour atteindre le sommet convoité attisent nos sens. C'est qu'il y en a des chemins sur ce flanc ensoleillé entrecoupé de curiosités, ici un petit lac endormi, là un château fier et bien proportionné, Plus loin un canal gonflé d'eau pourvoyeuse de vie s'écoule vers la ville, c'est que nous sommes au sud, la sécheresse doit être une compagne de l'été. Après quelques errements nous trouvons enfin un sentier qui monte vraiment, notre moyenne horaire horrifierait sans doute Loïc puisque nous nous traînons - selon les nombreuses indications de lIfone - à 300 m par heure terrestre écoulée, c'est peu vous en conviendrez. Pourtant la nouveauté de la balade enlève toute monotonie à la marche, l'excitation de la découverte est à son comble.
Rassurés sur l'atterro, il nous reste deux inconnues, la configuration du décollage nord - puisque du nord est annoncé - et l'état du manteau neigeux, qui semble important dans la dernière partie orientée nord comme de juste. Je passe les détails des paramètres aléatoires incontournables comme les nuages, le vent trop fort ou l'influence des pentes sud surchauffées et que sais-je encore. Si je parviens à suivre un autre promeneur, je le dois à son chien que son maître réconforte régulièrement avec une écuelle remplie d'une eau minérale extraite délicatement de la gourde. Car aujourd'hui est une jour sans: je peine à monter. Je pourrais imputer cette panne à des nuits trop courtes mais plus prosaïquement l'âge y est sans doute pour beaucoup dans l'affaire. Peu importe, il est tôt et le paysage changeant, parlons-en du panorama d'ailleurs, il s'étend à perte de vue par dessus la petite ville plaisante de Gap. Tout au fond les puissants sommets éclatants des écrins, en contrebas les eaux miroitantes du lac de Serre-Ponçon, et tout éparpillés, des centaines de champs de couleurs verts selon une palettes de variations infinies. Assez de lyrisme, recentrons nous sur la balade.
Alors que nous longeons une énorme falaise aux jaunes soutenus, nous nous demandons quelles défenses sournoises va nous opposer la brèche. Hé bien la nature est bien faite car un beau petit canyon permet de traverser ces précipices sans aucune difficulté notoire. Au col un nouveau panorama apparaît dans toute sa grandeur, les murailles enneigés du Devoluy, décidément cette nouvelle balade est un plaisir. En revanche les conditions neigeuses locales sont beaucoup moins appétissantes. Une espèce de soupe infâme qui rend caduque tout notre lourd et encombrant matériel hivernal... Peu importe, vaut mieux en avoir trop que pas assez.
Toujours à mon allure de sénateur je suis un Luc décidément en grande forme, de plus il ne semble pas du tout gêné de faire du social en attendant le traînard. Bref plutôt que de faire une grande traversée dans des pentes raides et fatigantes nous optons pour suivre la crête quitte à passer par le Pic des charances. Encore un effort et nous voilà à la croix. Le court et dernier raidillon ne nous tente plus vraiment, d'une part car il est loin et enneigé, d'autre part car la pente sommitale, largement encombrée de congères, ne permettrait sûrement pas un décollage aisé. Un promeneur qui descend d'ailleurs du sommet par la neige confirme notre hypothèse, c'est mou jusqu'à l'os, il galère à progresser avec de la neige jusqu'à l'aine. Après une courte réflexion décision est prise de déplier ici. Ce n'est pas terrible mais c'est le moins pire. Une pente juste déneigée avec un vent nul ou juste un souffle raisonnable.
Il va falloir être prompte à la décision car les pentes sont plutôt raides et encombrées. Finalement nous décollerons sans problème majeur tout au plus pourrait on regretter cette plante rampante dans laquelle s'est entortillée une ficelle et qui a bien failli provoquer un échec de ma course à l'abime. Heureusement la plante lâche prise et par une trajectoire corrigée qui me précipite droit dans la neige molle je réussi in-extrémiste à m'extraire de la surface de la terre maternelle.
Les conditions en vol ? Il est juste un peu trop tôt, ça tient, mais ça ne monte pas. D'autre part, les trépidations incessantes de ces petites bulles naissantes nuisent à mon mental déjà bien fragile, après quelques aller-retour, j'abdique et fil droit vers l'atterro, c'est à ce moment que je retrouve la vole de Luc déjà affalée dans la verte prairie repérée ce matin. Une maman se précipite pour montrer à sa marmaille le vol de ces deux gros papillons balourds. Au sol, nous pouvons nous congratuler mutuellement de ce court mais intense vol, avant de prendre congés de la charmante maman.
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