C'est sans grandes convictions que nous nous retrouvons Luc et moi, au départ de la balade. Ce matin dans la vallée de saint Égreve le vent était très fort, comme si la nature voulait nous indiquer qu'elle ne désirait pas de nous là-haut.
Pourtant tout est calme ici, le début du sentier est particulièrement beau aujourd'hui, la lumière peut-être, mais aussi la verdure qui apparaît par touffes de jeunes pousses, les arbres, loin d'être feuillus sont néanmoins pourvus de bourgeons éclatés, laissant poindre des petites feuilles tendres et fraîches. Le sentier apparaît bien défini, recouvert d'une fine pellicule d'anciennes feuilles séchées maintenant réduite à l'état de poudre.
Contrairement à hier nous montons à un bon rythme, d'abord l'un derrière l'autre puis deux de front sur la piste qui conduit à la cabane, ce large chemin a été récemment ragréé, pour le bonheur des vttistes. Les oiseaux nous accompagnent par des gazouillis incessants, le coucou, les moineaux mais surtout le merle qui chante à tue-tête, et souvent en duo, se répondant par des trilles d'une étonnante variété. La montée fut vite expédiée, tout au plus pourra on noter un coup de vent puissant qui fait siffler tous les branchages... C'est pas bon signe...
Pourtant en arrivant au col baigné de lumière, le calme du départ de la promenade est de retour, l'espoir renaît pour le vol. La grande solitude de la prairie est juste troublée par une flamme rouge et blanche doucement agitée par une brise favorable. Inquiet par nature, je ne m'explique pas cette rafale incongrue au fond du manival. Une rapide interrogation aux différentes balises météo du coin confirme nos observations, c'est volable. La préparation est tranquille sur cette prairie douce encore rase de l'hiver, ça change d'hier!
Luc décolle en premier, le sol tarde à s'éloigner, mais plus il s'approche de l'orée du bois, plus il monte, pour finalement rencontrer les premiers thermiques du bord du plateau. A mon tour, il me faut attendre le prochain thermique car la brise montante n'est plus si vigoureuse. Au premier souffle, j'enclenche la première, la voile, comme de coutume, monte progressivement, sans à coup. Une fois au dessus de la tête, deux trois pas et hop dans l'éther invisible. Conformément à mon habitude, je fuis traîtreusement dès que je ne comprends pas, en effet ce coup de vent matinal aura raison de toute velléité à tenir. Pourtant il y a de quoi, de beaux et larges thermiques, c'est sur ces considérations que nous terminons ce vol minute, dans une prairie grasse et accueillante.
Comme quoi, la plus banale des sorties permet un contact avec les éléments qui nous entourent, un contact qui fait vraiment apprécier d'être vivant, et en regardant passer les nuages nombreux qui nous viennent du nord, j'entends cette composition de Jean Pierre Mas, Le Cavalier des Nuages.