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Cette année la neige est tombée bien plus que les années précédentes, aussi l’un des objectifs de ces vacances d’hiver dans le Vercors était d’aller initier les enfants aux joies (et austérités) d’un bivouac hivernal sur les hauts plateaux du Vercors. Ils étaient en tout cas particulièrement motivés pour essayer (presque trop finalement) !
De mon côté, j’avais quand même bien en tête bon nombre de problématiques que cela posait de partir à trois et avec les deux enfants (poids de la pulka, affaires hivernales pas en nombre suffisant remplacées par des duvets et tapis de sol « trois saisons », toute l’intendance à gérer, variation éventuelle de leur motivation, etc…). Donc j’avais prévu une balade relativement progressive et adaptable : partir du parking de la montagne de Beure à proximité du col de Rousset, bivouaquer le soir pas trop loin d’une cabane pour pouvoir s’y rabattre en cas de besoin pendant la nuit. J’espérais atteindre au moins Pré Peyret, ou le pas de l’Aiguille si nous étions particulièrement véloces, avant d’improviser les deux jours suivants au gré de la météo, des envies et de la fatigue. Nous avions de toute façon de l’essence en quantité et de la nourriture pour quatre jours complets (plus pas mal de petits compléments à côté en cas de coup de pompe).
Mon fils aîné qui avait déjà fait une balade de ce genre il y a cinq ans était maintenant dans la position du grand costaud et c’est lui qui a tiré la pulka ces deux jours. De mon côté je l’aidais juste à la tirer dans les montées ou s’il avait une difficulté particulière (renversement, dévers ou descente marquée).
Côté météo la fin de semaine (en gros à partir de mercredi) était annoncée froide mais ensoleillée, ce qui nous allait plutôt bien à priori (j’espérais juste que les nuits claires ne seraient tout de même pas trop glaciales, car surtout pour moi le duvet était à priori un peu limite même si je savais que j’avais déjà supporté dedans une nuit à -15°c, en complétant avec une doudoune et des vêtements chauds).
Après deux jours à s’acclimater (c’est un grand mot car bien sûr nous ne sommes pas du tout sur des balades extrêmes) et à se préparer (après une première balade nous nous sommes ainsi aperçus que les raquettes du plus jeune étaient maintenant un peu trop petites ce qui posait des problèmes de démontage très fréquents), nous sommes donc partis ce mercredi matin 21 février pour le col du Rousset.
Comme souvent (c’est un peu une malédiction pour les sorties en famille), les derniers préparatifs ont été trop longs et nous sommes partis un peu plus tard que prévu. En descendant vers le Vercors drômois, j’ai vu que la brume matinale assez classique sur le fond du plateau des Quatre Montagnes se prolongeait malheureusement copieusement vers le sud, et dans la vallée de la Vernaison il a été clair que nous allions au moins démarrer la journée dans un brouillard épais. J’espérais tout de même que nous aurions peut-être quelques éclaircies chanceuses comme j’avais eu en ski de rando nordique il y a quelques années, ou qu’au moins le brouillard se lèverait les jours suivants…
En arrivant au parking de Beure donc, les prévisions météo se révélaient exactes pour les températures (-7°c au parking avec un vent glacial) mais pas pour la nébulosité hélas : j’aurais préféré l’inverse !
Tant pis, nous avons démarré avec la motivation peu entamée et nous avons monté la pulka en bénéficiant de la magie de l’hiver (l’effort étant nettement réduit tout de même pour monter tant d’affaires). Nous n’avons évidemment pas trop traîné sur la montagne de Beure et nous avons plutôt bien avancé jusqu’au pas des Econdus. Là, les enfants étaient partagés entre manger (il était déjà un peu plus de 14h) ou poursuivre directement jusqu’à Pré Peyret pour manger plus confortablement à l’abri du vent. Je me suis dit qu’il y avait tout de même encore du chemin donc nous avons mangé, et j’ai installé un tarp épais pour nous abriter un peu pendant que les garçons creusaient une petite tranchée pour pouvoir s’assoir plus confortablement. L’un des premiers constats du repas, et que je n’avais pas vraiment anticipé, était que cela a été bien long de chauffer la neige nécessaire à la soupe et aux plats / desserts lyophilisés, ainsi qu’à refondre de l’eau pour le thé et les gourdes. Le besoin en eau était nettement plus grand pour trois et assurément cela a été vraiment long ! L’après-midi était donc déjà bien entamée quand nous sommes repartis, en n’espérant plus atteindre le pas de l’Aiguille et la cabane de Chaumailloux.
Nous sommes ainsi arrivés en fin d’après-midi à Pré Peyret, où il y avait déjà quelques personnes sympathiques dans la cabane, avec un bon feu tout aussi sympathique. Je suis rentré pour voir quelle place il restait : la cabane a été récemment refaite et agrandie (le plancher supérieur) donc même s’il y avait déjà douze personnes, il restait encore un demi palier à l’étage donc aucun souci pour y aller. J’ai demandé aux enfants leur choix, même si pour moi la tentation de la cabane était clairement la bienvenue (d’autant que je me disais que cela préserverait nos affaires de couchage pour la seconde nuit), mais contrairement à mon attente ils ont insisté pour faire le bivouac dans la neige (« douze personnes c’est beaucoup trop, et on est venus pour camper dans la neige »)…
Surpris (et je dois bien l’avouer un peu déçu), nous sommes donc repartis vers le plateau glacé et venteux pendant que le montagnard sympathique (qui revenait du Grand Veymont en nous annonçant un plafond nuageaux à 2100m) me lançait avec raison cela dit : « parfois cela fait du bien aussi de quitter le confort » !
Ayant toujours bien des doutes sur la nuit à venir, j’ai préféré nous installer pas trop loin, en vue directe de la cabane (quand le brouillard ne la cachait pas), en remontant légèrement vers le nord en direction de la Grande Cabane.
Une fois trouvé un endroit plat adéquat et protégé du vent par de petits pins à crochets, j’ai installé avec eux les tentes (j’espère qu’ils auront retenu les outils indispensables : pelle et ancres à neige) puis j’ai fini d’installer les affaires pendant qu’ils découvraient avec passion l’intérêt des pelles dans la neige (l’un pour faire un trou profond jusqu’au sol, l’autre en se faisant un fort-igloo)…
La nuit commençait à tomber et en souvenir du temps qu’il m’avait fallu pour chauffer l’eau du déjeuner, j’ai lancé sans tarder les réjouissances du dîner, où j’ai tout de même fini par bien me geler les mains encore !
Le coucher de soleil largement contrarié par la brume n’a vraiment rien donné d’intéressant, et rapidement chacun s’est mis dans sa tente en vue de la nuit (les enfants étaient dans une tente double tandis que j’étais dans une tente solo à côté).
Je ne me suis pas endormi très vite car je suis frileux et les choses ne s’arrangeant pas avec les années, la sensation de froid m’empêchait de dormir. J’ai donc fini par mettre ma dernière épaisseur aux jambes (j’avais donc ainsi un collant, mon pantalon de ski de rando en softshell/polaire très fine, de grosses chaussettes et des chaussons en duvet, puis ma première couche, une petite veste isolante, une couverture en polaire – qui n’a pas servi à grand chose-, la doudoune enroulée au mieux autour du bas du dos et des jambes, le tout dans un sac chargé d’un peu plus de 600g de duvet). Le tapis de sol n’était pas très isolant en revanche (j’avais passé les meilleurs aux enfants) et c’est sans doute ce qui m’a gêné le plus au cours de la nuit. Néanmoins, avec toutes ces épaisseurs la nuit est tout de même passée pas trop mal et je me suis réveillé le lendemain sans être bien frais mais en ayant dormi tout de même quelques bonnes tranches de sommeil.
Voyant le jour à travers la toile j’ai ouvert un peu la fermeture dans l’éventualité d’un lever de soleil intéressant, mais j’ai vu tout de suite qu’une purée de pois bien plus dense que la veille nous enserrait. Les enfants dormant encore je les ai laissés et j’ai lu une heure environ jusqu’à leur réveil.
Ils se sont réveillés tranquillement après une bonne nuit (je n’avais aucun doute pour le plus jeune qui avait un sac très chaud mais ça pouvait être plus juste pour son frère aîné, qui avait en revanche un excellent tapis de sol) et j’ai sans tarder lancé le petit déjeuner, qui à nouveau nous a pris pas mal de temps.
Les enfants ont ensuite revaqué à leurs activités de la veille et j’ai replié le camp (pas mal plus long d’ailleurs aussi que lorsque l’on est tout seul)…
Il était ainsi plus de dix heures quand nous nous sommes mis en route. En rediscutant avec eux, nous nous sommes mis d’accord sans longue discussion qu’avec ce brouillard, ça ne valait pas trop le coup de prolonger beaucoup la balade avec un nouveau bivouac et qu’il était peut-être suffisant de faire un aller/retour jusqu’à la prairie de la Grande Cabane avant de rentrer tranquillement.
C’est donc ce que nous avons fait, dans l’ambiance tout de même assez feutrée et extraordinaire des ces hauts plateaux givrés dans le brouillard, en croisant quelques rares personnes sur le GR. J’ai comme souvent bien apprécié tout de même ce paysage hivernal en monochrome, juste coloré par les silhouettes humaines…
Mieux, en arrivant à la Grande Cabane, le ciel a commencé à se dégager assez nettement : le Veymont est apparu à travers la brume avec du ciel bleu ! Il était l’heure de déjeuner et j’ai donc suggéré de manger avant de resonger à la suite : si finalement le ciel se dégageait cela pouvait valoir le coup, maintenant que nous étions là, de monter jusqu’au pas de Chattons et de bivouaquer à proximité de la cabane des Aiguillettes (mais les Aiguillettes étaient encore noyées dans les nuages). Le repas devait ainsi nous permettre de voir la situation évoluer et j’ai lancé le réchaud.
Et là, impossible de le faire partir : l’injection d’essence marchait une petite seconde avant de s’arrêter ! J’ai nettoyé la buse avec l’outil adéquat mais cela n’a pas changé grand chose ; j’ai vérifié qu’il y avait de la pression dans la bouteille et c’était bien le cas, j’ai complété la bouteille avec mon stock de réserve, j’ai nettoyé la tige de réglage de la vanne mais rien à faire : pas plus d’une poignée de secondes d’injection. J’ai quand même tenté un démarrage mais ça n’a rien donné…
L’énervement me gagnait, l’heure tournait, mes doigts regelaient et rapidement l’évidence s’est imposée à moi : impossible de rester là-haut sans réchaud fonctionnel, car plus moyen de dégeler quoi que ce soit ou même d’avoir de l’eau !
J’ai donc dit aux enfants qu’il ne nous restait plus qu’à rentrer sans tarder car un nouveau bivouac n’était plus envisageable, la prochaine étape serait la voiture ! Il n’y avait finalement pas trop de regrets à cela car l’éclaircie de midi n’avait pas duré et c’est dans le brouillard que nous avons repris le chemin de Pré Peyret.
Tout le monde a bien marché, peut-être un peu aiguillonné par l’impression d’aventure que donnait notre retour dans l’urgence (relative : nous n’étions pas trop loin et au pire il y avait Pré Peyret sur la route où on aurait sans doute pu nous prêter un réchaud fonctionnel). Notre dernier effort pour monter la pulka après le pas des Econdus est passé, suivi d’un brouillard très dense sur la montagne de Beure, et nous avons enfin retrouvé avec plaisir et soulagement la bonne vieille voiture sur le parking un peu avant 17h… La température indiquait toujours -7°c.
Nous pouvions penser la journée finie et les contingences humaines ont repris le dessus : j’ai demandé aux enfants s’ils voulaient reprendre leurs forces au dîner par des pizzas ou par une raclette comme je devais avoir le temps de la préparer au retour.
Nous avons descendu la route du col du Rousset, traversé la vallée de la Vernaison sans soucis, et en remontant vers Saint Martin les voyants d’alarme de la voiture ont commencé à s’allumer de partout et celle-ci a rapidement perdu toute sa puissance avant de s’arrêter assez brusquement… J’étais mal placé, j’ai essayé de la redémarrer et d’avancer encore un peu en sortant de notre virage pour gagner St Martin dont on apercevait les premiers panneaux mais rien à faire : elle ne voulait plus démarrer. Je me suis dit que le réchaud nous avait planté pour le repas de midi et que la voiture allait nous planter pour le repas du soir !
L’assistance m’a indiqué que le garage le plus proche (sur La Chapelle en Vercors) allait venir dans un peu moins d’une heure donc nous avons pris notre mal en patience. Le garage m’a appelé rapidement pour me dire qu’ils ne pourraient pas avoir de dépanneuse avant demain matin, mais qu’il nous envoyait quelqu’un pour voir s’il arrivait à faire quelque chose. Cela me contrariait fortement de laisser ainsi la voiture toute la nuit avec toutes les affaires en rase campagne (d’autant qu’elle était mal placée sur la route) mais je n’avais pas trop le choix. Le garagiste est arrivé rapidement et a diagnostiqué un diesel qui avait commencé à figer et qui bloquait donc le filtre gasoil. Il a réussi à redémarrer la voiture (il fallait en fait l’éteindre complètement avant de tenter un redémarrage) et en la chauffant un peu a pu la faire repartir. J’ai donc ainsi pu remonter péniblement jusqu’à St Julien à 10 kmh pendant qu’il me suivait avec les warnings et que la voiture hoquetait violemment. Ensuite la descente vers les gorges de la Bourne s’est bien passée et je suis resté en régime moteur élevé selon ses recommandations (pour réchauffer le moteur), puis j’ai entamé la remontée des gorges de la Bourne étroites dans la nuit avec un certain stress. Evidemment la voiture s’est encore bloquée deux ou trois fois mais j’ai pu redémarrer à chaque fois, certains automobilistes se proposant d’ailleurs gentiment pour m’aider. Enfin nous avons vu arriver avec soulagement la sortie des gorges et de la montée, et nous avons pu revenir garer la voiture à Villard au plus grand soulagement des enfants : le dîner était sauvé pour les pizzas !
Au final cette balade aura tout de même été très frustrante pour moi : vraiment pas les photos que j’espérais avec ce brouillard tenace, une logistique et des efforts importants rapidement réduits à néant par le souci technique sur le réchaud (pour la prochaine fois je vais faire un démontage et entretien aussi complet que possible pour comprendre ce qui a pu ne pas fonctionner et le résoudre à l’avenir : nous avions la chance de ne pas être trop loin mais ça aurait pu être très différent), sans compter le stress final sur la route au retour.
Le ressenti des enfants, et c’est sans doute l’essentiel, est tout autre : ils étaient contents d’avoir été vivre ces aventures sur les hauts plateaux et c’est au final ce qu’ils ont préféré de loin des vacances !
Un dernier point aussi sur le matériel : nous sommes partis à trois avec une petite pulka et je pense que nous touchions un peu à la limite du système. D’un côté cela a permis d’optimiser au mieux les poids en mutualisant au maximum les affaires, mais la pulka était tout de même particulièrement lourde. Heureusement que les conditions de neige étaient parfaites (fond de neige sans interruption, très dur pour que la pulka ne s’enfonce pas, mais avec un petit tapis de neige fraîche permettant de la stabiliser). Par ailleurs un seul réchaud pour trois avait aussi vraiment l’inconvénient de prendre trop de temps pour les repas, il en aurait fallu deux (permettant en plus d’en avoir un de secours).
Et merci à toi pour ton message symapthique !
S'il y a de la neige l'année prochaine et que l'on arrive à se libérer à nouveau nous serons au moins plus affûtés ! ;)
Merci Cédric pour ce superbe et humoristique récit d'une incroyable aventure : petite Bérézina des neiges (dont tu t'es sorti magistralement), mais souvenir impérissable, évidemment !
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