La montagne magique.
Si Thomas Mann était venu dans les Pyrénées, il aurait été autant inspiré par les habitants du Pic du Gar que la gente de Davos. Ce matin, en marchant sur le vénérable sentier qui monte paisiblement à travers les bois denses, personne n'était encore debout. Mais peu importe, je connais trop bien le parcours, jusqu'au moindre caillou qui jalonne l'itinéraire. Aujourd'hui, c'est ma cent dixième ascension avec le parapente sur le dos, et pourtant c'est avec toujours le même plaisir que j'avance vers le sommet.
A la cime, la vue est toujours époustouflante, impossible d'y ressentir l'once d'une lassitude. Pourtant voila trente deux ans que je passe par ici, mais voir les vautours tourner autour de la grande croix sommitale en décrivant une spirale grandissante autour du monument, voir les hauts sommets glacés briller au fond du décor, voir encore les isards dévaler sur les pentes vertigineuses, comment éprouver un quelconque ennui ? Quant au vent et contre toute attente, il souffle puissamment du sud. J'installe donc la voile en contrebas du sommet pour parer à une éventuelle reculade non maîtrisée. Le décollage se déroule pour le mieux, il ne reste plus qu'à partager les ascendances avec les gracieux volatiles malgré leur sinistre réputation.
Le vol dure plus longtemps que prévu et c'est une fois rassasié d'images fulgurantes au gré des virages que je quitte le sommet pour rejoindre le fond de la vallée. Pour remonter au parking il me faut alors faire un peu de stop. C'est la fille de Titus, truculent personnage qui fut le défricheur de balades au Pic du Gar, qui me prend en charge dans la vieille panda, et puis là-haut, c'est Gildas Daspet qui me raconte les dernières nouveautés du village, enfin c'est chez Evelyne et Robert que je passe faire un salut. Le village s'est réveillé pendant mon vol, l'aigle royal que j'ai croisé est sans doute maintenant très loin. Il ne me reste plus qu'à reprendre la bécane pour voir d'autres lieux.
Nous irons faire le tour à moto des curiosités locales, Hospice de France, Vallée du Lys et enfin Superbagnères, cette montagne qui surplombe Luchon sur laquelle trône un hôtel gigantesque complètement décalé, c'est là que Thomas Mann aurait trouvé matière à littérature !