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Il y a une semaine tout pile, j’étais à la vire du Serpaton.
Cette belle réussite m’a donné le goût de recommencer la même manœuvre, mais sur un autre des contreforts du Vercors. Et donc, cette fois-ci, j’ai pensé à la falaise SSO du Goutaroux, que Maurice Gidon décrit sur son site Geol-Alp (très instructif) comme une « corniche tithonique ». Dans cette falaise, comme sur la plupart de celles du secteur, il y a une vire au milieu.
Cette vire, au Goutaroux, n’avait jusque-là pas eu suffisamment belle allure pour me tenter. Son départ, tout à gauche, semblait bien raide, voire écroulé, et décourageait toute velléité d’aller voir. Son parcours, ensuite, montrait beaucoup de végétations – des arbres, mais peut-être aussi des arbustes, dont on sait qu’ils sont très gênants pour la progression. Et pour finir, et bien on ne savait pas comment cela allait se finir ! En effet, oui, la vire s’arrête, sans que l’on puisse en deviner une échappatoire vers le sommet. Cela voulait dire qu’il s’agissait là peut-être d’une impasse. J’en étais réduit à espérer qu’un couloir, un cheminement vague, tout au bout, fournirait une possibilité de s’échapper vers le haut. Mais l’espoir était maigre.
Sauf que, après le Serpaton, toutes ces questions, au lieu de dissuader d’aller voir, poussaient à reprendre l’étude du « problème ».
Depuis les champs proches de la gare de Clelles d’où je l’observe à la jumelle, il me faut bien en convenir : ce couloir, envisagé comme un accès alternatif à la vire, n’est pas praticable ! Il va falloir changer le fusil d’épaule et employer malgré tout la solution imaginée initialement, c'est-à-dire de prendre la vire par son début. Ça n’est pas gagné…
Ne reste plus, comme si souvent, qu’à aller sur place pour constater ce qu’il en est vraiment. Quitte à prendre un but, si cela ne passe pas.
Trézanne, à huit heures le matin, même fin mai, c’est à l’ombre ! Et la température est bien fraîche aujourd’hui. J’aurais pu prendre un vêtement de plus…
La montée sur les premières pentes de l’arête SSO ont tôt fait de réchauffer le corps. Ça va mieux.
Sur le premier palier de la crête dégagé d’arbres, se devine la suite du cheminement. Il faut couper horizontalement – ou à peu près - dans le travers forestier. Les traces de bêtes sont nombreuses, et cela se passe finalement assez correctement. Arrive le gros « caillou-repère », et c’est là la première surprise. Collé contre la paroi, ce gros caillou ferme l’accès à la vire, sauf un tout petit passage, comme un couloir étroit qu’il faut emprunter pour atteindre le Graal. Je n’hésite pas, et le franchis tout de go. A la sortie, tout s’éclaire ! La vire est là, qui commence. Elle ne s’est pas écroulée, et donc est franchissable. Pour clore toute inquiétude, la trace des bêtes est même nette, voire grosse, presque sableuse, et monte droit devant. Youpi !
La pente est raide, tout de même. Et puis le côté droit…. euh… n’existe pas beaucoup en fait. Ce n’est pas si simple finalement, et un peu impressionnant quand même. Je choisis de frôler la paroi au plus près, afin d’éloigner tant que se peut le vide de droite. Il existe, au pied de la falaise, un petit cheminement que je trouve venu fort à propos, compte tenu du contexte.
Et comme tout se termine toujours, la trace devient ensuite plus agréable. Quelques arbres font même un peu d’ombre, ce qui est parfait. Commence alors un parcours dont la qualité s’améliore, qui devient de mieux en mieux confortable, qui fournit alternance de paroi rocheuse chaudes et de feuillages rafraîchissants, voire même de petites terrasses herbeuses presque planes. Le plaisir est en train de croître.
La trace est franchement grosse, signe des nombreux passages de bêtes. Cette situation est rassurante, car cela signifie que la trace va continuer. Reste le problème de savoir comment elle finit : c’est le vrai point d’interrogation. Qu’à cela ne tienne ! Même si cette vire est une impasse, je n’en serai quitte qu’à faire un demi-tour, ce qui n’est pas grave en fait.
Le couloir observé ce matin tôt, qui – à la jumelle - s’était révélé impraticable, l’est effectivement bien. Aucun moyen de descendre là-dedans, tellement c’est raide et rempli de végétations diverses et encombrantes. Par contre, pour le traverser à l’horizontale ce couloir, ce n’est pas si simple non plus. C’est la première difficulté du jour : glissade interdite ici.
La deuxième difficulté est aussi un petit couloir à franchir, horizontalement toujours. Heureusement, le piétinement des nombreux sabots a nettoyé le passage de toutes les prises instables. Et comme à chaque fois, dans ce genre de situation, le constat est que le cheminement est sûr, bien qu’un peu terreux. Cela n’empêche pas de vérifier quand même où l’on pose ses pieds !
Vers la fin de la vire, la trace quitte l’horizontale, mais au lieu de partir vers le haut, c’est vers le bas que les bêtes fuient… Malheur ! Cela va-t-il signifier une fin de non recevoir vers le haut et le sommet ? Un peut inquiet, maintenant, je continue quand même. Les bêtes passent encore ici, mais moins nombreuses qu’au début. Plus loin devant, c’en est finit : il n’y a quasiment plus de trace. Je suis au bout de la vire, et c’est l’impasse. Il n’y pas ici de passage possible en randonnée du vertige. Cela deviendrait de l’escalade…
Déception.
Revenant sur mes pas, il reste une maigre hypothèse : le petit couloir, entre-aperçu tout à l’heure. Je suis passé au pied du cône terreux qui s’est formé à sa base. J’en ai vu - une vingtaine de mètres plus haut - le rétrécissement rocheux, dont un bloc de 2 mètres fait bouchon surplombant… Tout cela n’a pas bonne mine. Mais il faut aller vérifier sur l’obstacle, si aucune solution n’existe vraiment. Je monte, souffle court, car c’est raide. Je monte. Je suis quasiment arrivé au bloc. Et là, du coin de l’œil gauche, j’ai l’intuition de quelque chose. Levant la tête, je vois un repli du rocher, une strate, qui pourrait être une autre vire, et qui pourrait être LA solution. C’est vrai que, malgré la terre, les bêtes semblent bien passer ici. Quatre marches plus haut, le repli se montre pour de vrai. Et là, effectivement, se trouve la solution de sortie vers le haut. De plus, sur la dalle calcaire, les traces marron des sabots confirment bien qu’elles passent ici, nombreuses. Magnifique !
Par cette prouesse géologique inattendue, les bêtes, et moi à leur suite, pouvons continuer la progression vers le sommet !
De plus, un promontoire excellent, large et herbeux, offre maintenant un panorama superbe sur la vire parcourue, sur les forêts et les prés aux alentours de Clelles, mais aussi sur le dénouement à venir de cette randonnée du vertige. Je suis soulagé et heureux !
A la deuxième analyse, ce que je vois de la suite laisse une sensation mitigée. Cela se présente bien sur le début, mais la suite est cachée dans les feuillages et paraît bizarre. En effet, un troisième passage délicat, voire dangereux, s’annonce. Il n’y a que trois mètres à franchir, mais il est hors de question ici de rater son coup. Application, concentration, suffiront pour passer de l’autre côté. Mais une corde aurait pu s’utiliser de façon justifiée.
Maintenant, en cinq minutes, l’arête SSO est rejointe. Il fait bon, ici !
Le sommet du Goutaroux est à 10 minutes de montée, seulement. J’y vais.
Ce sommet est un superbe promontoire, et la vue à 360°, au pied du Mont Aiguille, au pied de sa face nord, procure de longues minutes d’observations.
La suite est toute simple. Casse-croûte. Descente en suivant l’arête SSO très facile et vraiment agréable. Quelques hésitations dans les derniers bois, en cherchant la meilleure trace pour rejoindre le chemin forestier du départ. Je me rate, et ne retrouve pas la bonne trace de la montée… Pas grave. Tout passe, ici.
A Trézanne, la fontaine publique permet de se rafraîchir la tête et le visage. Ça fait du bien.
Oui, vraiment très sympa tes récits exploratoires ! Cela permet aux timorés de mon genre de vivre par procuration ces itinéraires très en dehors des sentiers battus. On s'y croirait et on tremble (en tous cas moi) à chacune de ces traversées de couloir un peu péteuses (typiquement le genre de relief qui me fait faire demi-tour assez rapidement :-p) et on respire lorsqu'enfin la sortie est trouvée ! Et oui, la fontaine qui rafraîchit... On oublie un peu trop souvent de lui rendre hommage et pourtant c'est un bonheur quand on en trouve une à la fin de la balade !
Bonsoir François,
Belle balade encore, merci pour le partage et le récit ! :)
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