De retour d'un séjour dans les sauvages reliefs des Pyrénées, nous reprenons la direction des montagnes iséroises. Devant la belle neige poudreuse présente avant même le col du Barioz, c'est au col que nous troquons volontiers la voiture contre nos deux paires de planches. Choix d'autant plus judicieux qu'il n'y a personne pour troubler notre préparation, on se croirait dans un petit hameau du luchonnais. L'ambiance est charmante, tout comme le petit sentier qui serpente à travers une magnifique forêt dont les conifères sont lourdement chargés de neige. Évidemment la trace est faite mais ce n'est pas plus mal, il suffit de se laisser porter vers le sommet. L'intersection avec le sentier venant du grand parking est facile à trouver, c'est au moment où il faut s'intercaler entre deux caravanes de promeneurs.
Le grand cirque commence alors, ici un groupe de raquetteurs lestes comme des éléphants, là un collant pipette à la foulée altière et gracieuse tel un étalon blanc, plus haut encore un promeneur solitaire fait gambader ses deux petits chiens savants. Le spectacle est permanent. Mais bientôt nous passons au dessus du brouillard, au plaisir de la marche s'ajoute la joie de découvrir l'étendue étincelante de la neige que prolonge la mer immense de nuages.
Parmi tous les promeneurs, il faut noter une importante part de napaditbonjour, ce variant de plus en plus présent dans nos montagnes alpines. C'est incompréhensible car notre bonheur d'être en montagne est tel que nous embrasserions volontiers toutes les personnes que nous croisons. Mais comme cela ne se fait pas, nous nous contentons d'un salut pour partager notre félicité. Il semblerait que cette joie de vivre ne soit plus universelle et qu'une sinistrose ait envahi les Alpes sans toutefois atteindre les Pyrénées. J'ai même croisé un cluster de cinq vieux napaditbonjour qui commençaient leur descente alors que nous arrivions à la croix. Ils n'ont pas daigné répondre à notre bonjour alors qu'ils nous frôlaient en faisant la gueule, plus appliqués à montrer de belles courbes qu'à nous saluer... Serait-ce le dernier avatar d'un individualisme forcené dans lequel nous vivons maintenant ?
Quoi qu'il en soit, le panorama roboratif qui s'étend maintenant aux quatre points cardinaux nous remplit de bonheur, c'est splendide ! Mais nous avons oublié le pique-nique alors sans plus attendre nous enlevons les peaux de phoque pour entamer une descente qui sera encore meilleure que prévu. En effet cette balade très prisée des grenoblois offre des pentes généralement trafollées à l'excès, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, il est encore possible de se faire vraiment plaisir. Aussi nous ne manquons pas d'apostropher les randonneurs qui montent encore pour leur souhaiter une descente aussi jouissive que la nôtre.
PS : nous avons quand même croisé des gens fort sympathiques comme ce couple qui nous a proposé un paquet de chips en apprenant notre fâcheux oubli au sommet.