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Il est 22h, l’alentour s'enflamme. Nous sommes là, immobiles, plongés dans cette immensité. La journée a été longue mais ce spectacle vaut la peine de lutter encore quelques instants. Les paroles se font rares et nous divaguons dans nos pensées. Pendant 14 heures, nous avons erré entre les refuges du Promontoire et de l’Aigle, sur les arêtes d’une des courses les plus emblématiques des Alpes : la traversée de la Meije. Loin d’être la plus difficile, la Meije fut néanmoins l’un des derniers sommets alpins à avoir été gravi (au bout de la vingt-cinquième tentative !). C’est donc avec un peu d’appréhension et beaucoup d’excitation que nous nous sommes lancés sur cet itinéraire chargé d’histoire.
Samedi, le réveil sonne au beau milieu de la nuit. Nous voulons assurer le coup et prendre de la marge pour arriver à temps au refuge de l’aigle. Nous laissons passer les cordées guide/client puis leur enclenchons le pas. Nous nous frayons un chemin dans l’obscurité et avalons les premiers passages clés : pas du Crapaud puis remontée du couloir Duhamel. A l’aube, nous arrivons au pied de la dalle Castelnau.
Les premières lueurs du matin en fond de toile
La grimpe devient plus verticale sans jamais être difficile. Kilian et Régis, encordés devant Hugo et moi, nous donnent de précieuses indications sur le cheminement à suivre. Les heures défilent plus vite que ce que nous le voudrions. Au-dessus du glacier carré, la montée jusqu’au Grand Pic s’éternise. Notre pas est lent, les fissures glacées nous obligent à remettre les crampons et la faim gagne peu à peu nos estomacs. C’est dans ces moments-là qu'on se demande ”qu'est-ce qu’on fout là”, qu’on commence à rêver de bières fraîches et de pizzas et que les pensées négatives prennent le pas sur le plaisir. Pourquoi s’infliger cette lutte contre les éléments ? Le froid, le vent, la fatigue, l'essoufflement… Par chance, l’altitude ne me joue pas de tour, contrairement à Hugo et Régis qui doivent en plus gérer des maux de tête ! Se sentir vulnérable et accepter de l’être ne sont pas non plus des sensations agréables. Pourtant, ces coups de moins bien sont quasi inévitables sur des courses aussi longues et il faut réussir à garder le dessus. J’ai le sentiment à ce moment là d’être mise à rude épreuve par ma tête beaucoup plus que par mon corps, de subir la longueur plus que les pas de grimpe.
Pourtant une fois arrivés au sommet, la satisfaction tire un trait sur tous ces questionnements. On sait de nouveau pourquoi on est là et aussi pourquoi on le fait. Sans effort préalable, l’intensité de ces moments serait moindre à côté de ce qu’ils sont là. Aucun mot n’est utile, seulement un regard, un sourire pour montrer à quel po int on est fiers d’en être arrivé là. De toute façon, nos rares paroles se perdent, emportées par le vent. Ce “presque 4000”, emblème de la vallée, ne s’est pas facilement laissé approcher !
Itinéraire du matin
Nous savons qu’il reste du chemin à parcourir et qu’il ne faut pas s’éterniser ici. Après avoir avalé quelques Haribo gentiment offerts par Kiki, nous nous remettons en route... Par chance, les conditions sur la traversée nous permettent d’avancer rapidement. Le câble de la brèche Zsigmondy est entièrement au-dessus de la neige, ce qui nous évite de tirer des longueurs. Sur le fil de l’arête, la trace a été courageusement faite par les cordées de devant. Les pentes de neige nous font esquiver les rappels de la troisième dent. Nous jouons aux équilibristes au-dessus du vide, mobilisant toute notre attention pour avancer. Le Doigt de Dieu n’est plus si loin. Sa silhouette se noie dans l’infiniment bleu. Le temps n’a plus de valeur absolue, nous confondons les heures en minutes et les minutes en secondes… Là-haut tout s’accélère, s’amplifie et s’intensifie.
Le soleil guette notre évolution tout comme les gardiens du refuge de l’Aigle qui nous observent certainement aux jumelles pour s’assurer que tout va bien. Nous foulons le deuxième sommet de la journée, culminant à 3973m. Les environs se dévoilent et nous pouvons enfin pleinement en profiter, délestés de la pression qui pesait sur nos épaules depuis le réveil. Quatre derniers rappels nous ramènent sur le flanc du glacier du Tabuchet. Un petit kilomètre nous sépare maintenant du refuge de l’Aigle. Nous suivons une fois de plus la trace de nos prédécesseurs sans qui cette entreprise n’aurait pas été la même !
Ce week-end marque la fin de nos quatre années de lycée. Le temps avance sans que nous trouvions la pédale pour ralentir la cadence. Apparemment, il est temps de rentrer chez les "grands", de dire au revoir à l'insouciance, bonjour à la conscience. En grandissant, on comprend mieux la vie, les gens… Ah non, en fait on les comprend encore moins ! L'humanité perd sa crédibilité, les normes nous enferment dans des cases qui ne nous parlent pas et le mimétisme devient la seule manière d'exister (ou en tout cas d'être bien jugé).
Se faire vouvoyer et appeler "Madame", devoir réfléchir à un "métier", avoir une vie sage et bien rangée… Ne plus avoir d'excuses lorsqu'on a du retard ou qu'on a oublié ses papiers…
On repousse au plus loin possible la vie d'adulte parce que c'est aux antipodes de ce que l'on est.
Alors si quelqu'un a la solution, du rab de temps ou des potions magiques, qu'il nous tienne au courant ! Qui sait, avec le progrès technique, les personnes qui s'ennuient pourront peut-être bientôt faire un don de temps !
Je n'étais pas bien loin ce jour là, dans la vallée de la Guisanne... mais j'aurais préféré être là-haut ;-)
Merci du partage !
Quels souvenirs!
Quelles images gravées à jamais dans nos têtes !!
Quels émotions greffées dans nos veines !!!
Je m'y vois comme si c'était hier.
Et pourtant, non ça fait plus longtemps...
Quel jour exactement ?
Facile de s'en souvenir. Le jour où l'équipe de France de Football est devenue championne du monde : un certain jour de 98!!
Assi sur la crête Je revois encore les feux d'artifices en fond de vallée signifiant la victoire. On avait pas les portables, et pourtant la communication était bonne !😁
Alors merci de m'avoir fait ressortir ces pensées.
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