Sortie : Un vol inespéré !

Ce matin une sinistre couverture nuageuse occulte tous les sommets du luchonnais, c'est légèrement déprimant. Malgré tout, cette situation ne saurait ternir la motivation du groupe. Nous nous retrouvons donc tous réunis à Garin sur les coups de 9h. Une stratégie est rapidement mise en place, elle est osée mais néanmoins jouable. Notre objectif est un joli sommet, le Cap de Hont Nere, sur la crête séparant le luchonnais du val Louron. Compte tenu du caractère aléatoire de l'entreprise, nous préférons limiter la marche et posons une voiture au célèbre col cycliste de Peyresourde. En sortant de la bagnole, une petite bise venant de l'ouest nous rafraîchit le visage, pas vraiment bon pour un décollage vers le soleil levant. Cependant la venturi, que forme cette profonde entaille qu'est le  Peyresourde, compresse les courants d'air et accélère la brise. Alors nous entamons la marche, confiants et dans la bonne humeur, d'autant plus que la mer de nuages se fragmente sérieusement, laissant apparaitre de larges pans du paysage dont les plus hauts sommets émergent magnifiquement drapés de neige. 

Au détour d'un relief, surgit perché sur un promontoire un énorme volatile gauche et pataud. Le vautour n'est pas à 30 m de nous et semble indifférent à nos pas. Lentement nous nous approchons quand soudain il déplie ses gigantesques ailes et se jette dans la pente avant de planer avec grâce à la recherche d'un autre perchoir plus tranquille. Nous poursuivons notre marche sur ce beau sentier en lacets avant de rejoindre la crête et de poursuivre sur le fil de l'arête. Le Sommet de Lampet sera notre premier point haut, une belle pente propice au décollage nous invite à décoller alors que traînent de belles écharpes nuageuses. Joueurs, nous poursuivons notre grimpette vers de plus hautes cimes, quitte à nous retrouver dans les nuées. Nous contournons par des pentes raides, glissantes et enneigées le sommet du Pic Arrouy et rejoignons l'objectif sans autre difficulté. 

Au Cap de Hont Nere, les conditions aérologiques sont quasiment idéales quoiqu'un peu capricieuses. Après une courte hésitation, nous étalons nos ailes de chiffon sur cette immense pale apte à recevoir une bonne dizaine de parapentistes simultanément. Comme nous ne sommes que cinq, on ne se marche pas sur les pieds. Fidèle à sa réputation, le boss est rapidement en place, après un court check-up, Jean-Pierre ne tarde pas à pénétrer dans la masse d'air remuante et brumeuse juste devant nous. Hélène le suit sans plus tarder. Ils grimpent instantanément plus haut que le décollage avant de disparaitre plus ou moins dans les nuées changeantes au gré des brises thermiques. 

Je les aurais rapidement rejoints si je n'avais pas un sac de nœuds dans mes ficelles, alors plutôt que de m'envoler comme un sagouin, je préfère me défaire de ma sellette et peaufiner mon installation. Une fois tous les indicateurs au vert, j'entame un essor à l'ancienne, le fameux décollage dos voile. Tout se passe bien et me voilà dans le ciel brumeux, heureux de voler dans l'air pur des Pyrénées. Le vol est un régal de tous les instants d'autant plus qu'il était totalement hypothétique ce matin. Les immenses prairies sont encore couvertes d'herbes sèches, seuls les fonds de vallons sont tapissés d'une épaisse verdure où  bruissent de charmants ruisseaux. Charles et Virginie s'envolent enfin simultanément comme deux tourtereaux dans la lumière du printemps. 

A Jurvielle, nous nous retrouvons tous les cinq sur l'herbe rase du pré où souffle sans surprise une petite brise bien régulière, c'est du gâteau basque ! Il est temps de plier les voiles et de fêter dignement cette matinée improbable par une double rasade de binouse à Garin. Non vraiment cette vallée est sensationnelle !