Sortie : Un glacial vol d'automne 

La Grande Sure de l'Alpe d'Huez est un magnifique belvédère dont l'accès par le nord-ouest est totalement préservé, loin des pistes de la station. Il est si rare en ce moment d'avoir un bon créneau météo que, malgré une crève carabinée, nous voilà partis sur les sentiers sauvages. Très bien balisés, nous ne perdons pas de temps à trouver le bon chemin vers le sommet. En plus des marques jaunes, de nombreux champignons jalonnent le parcours. Nos pas crissent sur le givre tout en laissant une trace sur l'étroite plateforme. Le relief s'adoucissant sur la fin, le soleil triomphe et nous réchauffe les extrémités toutes engourdies. Effectivement, ce n'est pas un mensonge du syndicat d'initiative de l'Alpe d'Huez, la vue depuis l'antécime est somptueuse, pas moins de quatre massifs se rejoignent autour de nous. La Grande Sure est adossée aux Grandes Rousses tandis qu'en face l'envers de Belledonne nous oppose ses impressionnantes faces orientales beaucoup moins connues que le versant ouest dominant Grenoble. Au sud c'est le massif du Taillefer que protège l'imposant Grand Galbert, enfin la Muselle offre à notre regard son glacier, ici commence le domaine glacé des Écrins ! 

Après une petite visite au culmen pour vérifier l'absence de vent du sud, nous délaissons le royal décollage tourné vers le soleil pour retrouver le glacial versant nord que caresse une douce brise néanmoins très fraîche. La présence d'une flamme nous rassure quant à l'opportunité de déplier les parapentes de ce côté. La pente serait idéale si un putain de câble ne traversait la vallée juste sous nos pieds. C'est un catex, un équipement permettant de lâcher de la dynamite l'hiver pour déclencher les avalanches. Il ne faudrait pas l'accrocher juste après le décollage. Nous étalons donc les voiles à l'endroit où le câble est le plus bas et démélons soigneusement les suspentes. Pas question de perdre trop d'altitude avec une clé dans les ficelles, la marge de sécurité est trop limitée. 

Pas besoin de flamme en raison de la présence juste à côté de nous d'une girouette, elle nous indique la direction du vent et son hélice nous précise grossièrement sa vitesse, c'est parfait pour s'envoler. Hélène décolle à toute vitesse et n'aura pas besoin de lever les pieds pour passer au-dessus du câble, moi non plus. Le vol est somptueux, 1400 m de dénivelé ça laisse le temps de rêver. De plus un méchant vent de vallée est déjà présent, l'atterrissage étant au centre d'un T que forme la vallée de la Romanche au-dessus de Rochetaillée, un thermodynamique est en train de se mettre en place... Le vario n'arrête pas de couiner au gré des turbulences, la mauvaise réputation des lieux n'est pas une légende. Toute la fin du vol se fera sous haute surveillance du chiffon qui nous sert de planeur. Heureusement le champ est immense et puis, merci EDF, les trois lignes électriques plutôt gênantes ont disparu du paysage ! Maintenir la voile au sol avec l'onglée n'est pas chose facile !  

Une fois les mains réchauffées, il est temps de plier le matos, pas facile avec cette brise turbulente, avant d'aller pique-niquer sur une table gracieusement mise à disposition par la riche commune d'Allemond depuis l'aménagement hydroélectrique de Grandmaison. Malgré le soleil on garde les doudounes, décidément la sortie est sous le signe de la fraîcheur !