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Quand il y en a marre, il y a le Saint-Eynard. Face au boulot qui stresse, presse, agresse, rien de tel qu'une balade parmi les raides ravins qui creusent le versant de cette montagne massive. Il est midi et demi, j'enfourche mon vélo, direction la Tour d'Arces pour une bonne suée dans les ruelles des hauts de Saint-Ismier qui montent raides, raides et encore raides. Pas d'autres finalités dans cette balade vers la Pierre Morin que de s'immerger dans la sauvagerie de l'eau et du roc qui sculptent ce versant incroyablement sauvage à deux pas de l'ordonnance aisée des villas avec piscine. Cela sent bon le pin sylvestre, le buis, le printemps. Les ravins de Saint Rambert en imposent, je ne suis que de passage. Au dessus du cirque des Collands, quelques voiles rouges, jaunes et blanches se mêlent aux buses. La félicité n'est pas loin, je souris, ailleurs que dans ce bureau où l'on me transmute en citron numéroté. Une ultime grimpette sur le sentier gras et glissant et me voilà à la Pierre Morin, curieux et massif parallélépipède presque parfait, décroché des Grands Crêts. On le voit aisément depuis la vallée. On dirait une réplique naturelle à la Tour d'Arces. Quelques clous vieillis témoignent de son destin raté de Pierre Chambertin, la patine en moins. Trop loin, trop haut, 500 mètres et une bonne heure au dessus du parking. "Sans issue" était marqué sur le panneau jaune à l'intersection vers le Col de la Faîta. Que nenni ! Au delà de la Pierre, le sentier continue, aboutit après 100m de lacets serrés à une étrange cabane en bois, ruinée. Quelques planches, des bidons métalliques (mais que font-ils là ?) et le sentier part sur la droite, devient sente. Elle se dirige probablement vers les Courbières. Je mise sur une origine animale mais un vestige plastique d'un paquet de mouchoirs me contredit. D'autres humains sont passés par là ! Je continue, traverse un pierrier commode et aboutit sur une épaule clairsemée, herbeuse. C'est raide, un beau toboggan d'herbe jaune. Un caillou se décroche de la sente, bascule, prend de la vitesse. Puis c'est la rupture de pente. Trois ou quatre longues secondes plus tard, je l'entends résonner sur les pierriers en contre bas. Une petite barre mais suffisamment grande pour se briser les os en cas de chute. Je deviens un peu plus couard, même si les voiles au dessus de moi, parfois à une dizaine de mètres, font comme des anges gardiens. J'hésite à leur faire signe de la main. Un peu plus loin, un minuscule thalweg terreux et gras, pas plus large qu'une grande enjambée mais faisant comme un entonnoir vers le vide aura raison de mon reste de courage. Je décide de faire demi tour. Peu importe, la finalité c'était d'être là, pas d'arriver quelque part.
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