Fuir ce vent qui souffle le samedi rien que pour nous embêter !
C'est vers l'est que la brise semble la plus assagie, cette balade en haute Savoie est belle, très belle... Le brouillard bas et poisseux se cantonne dans la vallée de l'Isère, au dessus le soleil bas réchauffe déjà les flancs bien exposés. Le problème, c'est que le début du sentier se déroule dans le fond sombre du vallon au dessus des Granges. Devant la vigoureuse brise descendante qui dévale avec le torrent, une flamme plantée au milieu du champ ne sera pas superflue si ça vole.
Le moment où l'on émerge de l'ombre est toujours une transition délicieuse, lorsqu'elle coïncide avec la sortie de la forêt, l'effet est quasi spectaculaire : lumière et chaleur vous envahissent. C'est toujours à ce moment là que j'imagine les millions de tonnes d'hydrogène consommées chaque seconde* par le soleil dont je ne ressens qu'une infime partie mais oh combien appréciable! C'est plongé dans ces considérations que j'atteins la crête sommitale. Comme à chaque fois, le choc est rude devant un tel décor... Le Mont Blanc d'habitude est bien plus petit depuis la chartreuse, mais là, il apparaît gigantesque, les arêtes se découpent dans l'air cristallin, Aiguille du Goûter d'un côté puis Bionnasay, Miages, Tré La Tête, et enfin l'Aiguille des Glaciers. Comme il est plaisant de détailler tout cela, d'imaginer toutes ces générations de montagnards qui ont gravis ces sommets par des itinéraires toujours plus hardis, bien sur j'ai une pensée pour Patrick Edlinger, qui vient de retrouver son copain Berhault, les deux Patrick enfin réunis.
Mais revenons sur terre, une brise bien orientée et homogène souffle depuis le sud. C'est la première fois que je rencontre autant de vent ici, il est malgré tout raisonnable, cependant un petit avion de touriste qui passe justement par dessus le col du Joly semble bien peiner dans sa progression vers le Sud... Il avance avec une lenteur excessive, pourtant ici c'est presque paisible. Rien ne s'oppose à l'envol. La neige est la bienvenue pour caler le bord de fuite, la pente est faible mais avec cette bonne brise la voile devrait me prendre en charge rapidement.
J'aime bien le décollage, surtout quand il est doux, aujourd'hui, c'est le summum... La voile est montée facilement, un pas sûr le dôme arrondi quasiment plat et la voile s'est mise à voler, elle m'a pris pour me porter, un grand moment de bonheur. En appuie sur le relief, je suis passé par dessus le dôme. Le dynamique est doux, les chalets de la Commanderie sont là sous mes pieds , le paysage s'ouvre peu à peu. Derrière, le massif de glace apparaît gigantesque. Le vol n'a pas duré des heures mais j'atterris avec des images plein la tête. Il est à noter que la petite brise descendante des Granges est toujours bien active, je termine donc ma trajectoire carrément à contrepente, jusque là tout va bien, mais affaler la voile dans la descente s'est avéré un exercice pour le moins périlleux...
Une belle sortie inespérée qui solde bien la semaine de boulot enfermée alors que le soleil brillait pendant que Véro se régalait scandaleusement au Piquet de Nantes...
* Chaque seconde, le Soleil consomme 700 millions de tonnes d’hydrogène. Cette consommation d’hydrogène se traduit par la formation de 695 millions de tonnes d’hélium par seconde, et une perte de masse du Soleil de 5 millions de tonnes par seconde, sous forme d’énergie (E = mc2 ).