Pic de Morgon et Pic de Charance en circuit depuis le Grand Clot

En général je préfère nettement marcher seul en montagne plutôt que de me frayer un chemin au milieu de chenilles processionnaires.. Et bien aujourd’hui, le beau temps aidant, la grande foule était au rendez-vous, du moins sur la courte mais gratifiante "voie normale" du Grand Clot au Grand Morgon. Et curieusement, excepté un groupe d’une vingtaine de personnes massées autour de son "guide" et dont j’ai eu un peu de mal à me désempêtrer, cette fois ça m’a plutôt amusé !

Pourtant ça avait bien mal commencé. Pour une raison que je ne m’explique toujours pas, une fois arrivé en voiture vers l’abbaye de Boscodon, j'ai continué sans réfléchir (toujours en voiture) sur la route forestière en face, vite transformée en une piste poussiéreuse et cahotique, et j’y ai parcouru sans l’ombre d’un doute un nombre impressionnant de kilomètres… jusqu’à l’altitude attendue de 1600m et des poussières. Là me suis-je dit, elle va s’arrêter et je me garerai au parking. Sauf que la piste, loin de s’arrêter, n’en finissait pas et commençait même à redescendre insensiblement… bizarre… Mais j’ai persisté malgré mes doutes croissants. Et puis j’ai quand même fini par m’arrêter, ça devenait de plus en plus suspect… Je sors ma carte, j’y comprends plus rien ! Et voilà que, comme surgie de nulle part sur cette piste perdue dans ces hauteurs désertiques, une jeune et souriante dame fort bien habillée marche dans ma direction, le plus naturellement du monde ! Et évidemment je lui demande si je suis bien sur la piste du Grand Clot. Etonnement de la dame, qui semblait comme chez elle (et visiblement elle l'était) dans ces hauteurs inhospitalières. J’apprends donc que je me suis complètement trompé de chemin (et de vallée !), que je suis sur le chemin de la Grande Cabane… qui va finir par me ramener au bord du lac de Serre-Ponçon ! Bref, il ne me restait plus qu’à redescendre au lac… ou à faire demi-tour, ce qui sur cette piste sinueuse à peine plus large que ma voiture, avec le vide d’un côté et le talus de l’autre, n’était pas de la tarte (et ceux qui ont une Laguna comprendront ma douleur, vu la visibilité arrière par la lucarne…). Bref, j’ai quand même entrepris une longue, très longue et périlleuse marche arrière, pas du tout rassuré, en espérant que tôt ou tard un élargissement providentiel de la piste me permettrait de tenter le demi-tour. Et le miracle a quand même fini par arriver, et j’ai enfin pu me remettre dans le droit chemin...

La suite ne fut plus que plaisir après un début aussi catastrophique ! De retour à Boscodon, j’ai aussitôt trouvé la bonne (et bien meilleure !) route forestière du Grand Clot (fallait vraiment le faire exprès pour ne pas la voir !). Et arrivé peu après au parking, plein comme un œuf, j’ai aussitôt pris le chemin forestier au milieu d’une foule joyeuse, familles avec plein d’enfants parfois tout petits, groupes de tous âges et de toutes tailles, bien décidé à rattraper autant que possible mon retard sur l’horaire prévu (au pire je ne ferais que le Grand Morgon !).

Et toute la randonnée, une fois débarrassé du groupe un peu pénible de 20 personnes que j’ai heureusement fini par semer, s’est passée comme dans une grande fête populaire, sur un itinéraire évident que je découvrais avec avidité. De mon pas assez lent mais régulier, je dépasse sans peine de nombreux groupes de marcheurs, visiblement pas trop aguerris mais tellement contents d’être là, dans la douceur de cette belle journée ensoleillée, pour aller grimper jusqu’au sommet de cette belle montagne qui se découvre bientôt, avec tout son itinéraire de montée parsemé de bas en haut de petits fourmis acharnées à arriver jusqu’en haut.
Aux Portes de Morgon, un jeune couple sympa déchiffre le panneau. "Par ici c'est le Col de la Baise", dit la jeune femme très sérieusement. "Mais non, de la Baisse" rectifie son copain. Je me marre avec eux... Plus loin, dans la raide montée au sommet, une petite fille que je dépasse clame que si je vais plus vite qu’elle, c’est parce que j’ai deux bâtons. Je confirme… Au sommet, la foule est grouillante mais joyeuse. Elle n’en revient pas devant tant de beauté, tout en bas et tout alentour. Une jeune et très jolie demoiselle me suggère de me prendre en photo, ben… je veux bien… puis elle me demande si je marche beaucoup, je confirme, et elle finit par me dire qu’elle m’a vu monter et qu’elle me trouve... "impressionnant" ! Comment ne pas être sur un petit nuage après ça ?

Après (le temps de me remettre de mes émotions), à la descente sur la crête sud-est, il y a évidemment beaucoup moins de monde ! Mais je suis loin d’être seul. Au passage, on se dit deux mots, ou on offre son aide pour franchir le fameux petit ressaut ; plus loin, du côté du lac, un jeune père de famille me demandera conseil pour le meilleur itinéraire de retour, avec trois enfants pas bien grands et un peu fatigués quand même de la montée… La plongée douce au fond du cirque se déroule comme dans un rêve, la remontée au Pic de Charance aussi, avec au passage la plus grande accumulation de fleurs de la journée. Et le retour au parking ne sera plus qu’une agréable formalité. Ma dernière satisfaction du jour sera de constater que, sans m’en apercevoir, j’ai complètement rattrapé mon retard d’1h30 de ce matin, sans avoir dû renoncer au Pic de Charance. Finalement, encore une superbe journée, malgré son début calamiteux qui la rend d’autant plus mémorable…