Ce matin, il faut choisir, des nuages et un vent calme autour de Grenoble, ou alors le grand soleil et le vent fort à Annecy.... Va pour la lumière et le vent. La Montagne de Sulens est un belvédère magnifique sur le Beaufortain les Aravis, il faut monter par des petits sentiers sur 1000 m de dénivelé et la dernière partie est une longue crête à grimper. Le vent, inoffensif dans les basses couches, devient de plus en plus présent vers le sommet. J'arrive à la cime seul au monde. Les conditions sont fortes... Après quelques instants d'incertitude, je commence à étaler la voile en contrebas.
C'est à ce moment qu'arrive un troupeau de parapentistes avides de sensation. Devant le trou, je n'en mène pas large, évidemment dans ces cas là les autres sont bien contents d'avoir trouvé le fusible qui leur montrera s'il est opportun ou dangereux de sortir la voile. Ils posent tous le sac et s'installent pour voir le spectacle... La pression monte encore d'un cran.
Alors que j'aurais dû partir comme un bouchon de champagne, la voile mal dépliée se met de travers.... A partir de ce moment, il a fallu gérer cet aéronef à moitié gonflé qui ne demande qu'à m'arracher du sol alors que je ne suis pas prêt... Grand moment de solitude que je ne souhaite à personne. J'empêche la voile de partir avec trois tours de freins en attendant une accalmie qui ne vient pas.
Enfin au bout de quelques minutes de lutte à l'issue incertaine, un jeune kador vient à mon secours. Nous ne sommes pas trop de deux pour maîtriser la voile. Une fois en position, je lui demande de tout lâcher, une action sur les avants suffit à me propulser dans l'onde. Sitôt en l'air, je commence à cruiser devant le relief, ce qui a pour effet immédiat de faire sortir de leur léthargie tous les spectateurs affamés de vols. Les mini-voiles sortent les premières du sac et bientôt le ciel est pavoisé de papillons colorés, les spirulines, ces petites voiles annéciennes, parfaites pour le gros temps, sont toutes dehors en quelques minutes.
En l'air, tout est calme malgré le fort vent du Sud, les voiles n'avancent pas face à la brise mais tiennent en dynamique face au Mont Charvin, le sommet emblématique au-dessus d'Albertville. Après un moment à jouir du calme après la tempête, dans le courant d'air, il est temps de se laisser dériver pour atterrir au col du Marais dans une brise douce et régulière.