Décidément, y a des week-ends où le décollage n’est jamais simple, hier il était beaucoup trop court pour être serein, aujourd’hui il sera rendu délicat par sa configuration trop plate et neigeuse avant la falaise, avec un vent résolument de cul....
Mais ce matin la météo a brusquement changé du tout au tout, le vent qui devait être tonique de sud devient insignifiant tournant nord en fin de matinée, ce qui n’est absolument pas un bon plan pour le Mont Sec qui offre un terrain d’envol tourné vers le sud. Peu importe, le temps, meilleur que prévu, favorisera la naissance des ascendances et devrait permettre un envol peinard. Le sentier qui démarre en même temps que le relief au bout du bout du sud de Belledonne est absolument magnifique, en plus d’être sauvage et délaissé des touristes, il serpente en sous-bois. C’est un vieux chemin plusieurs fois séculaire qui grimpe entre de vagues maisons délabrées aux murs de gneiss. La neige fait son apparition sur le haut du parcours, au loin dans un champ, ce qui ressemble bien à un loup passe en courant, si sa queue en panache ressemble à celle d’un renard, ses longues pattes et sa grande taille sont indiscutablement celle d’un canis lupus.....
Subjugué par cette apparition rarissime, j’avance résolument vers le sommet, cependant le vent est très mauvais ce qui compromet fortement mon retour par les airs. La dernière demi-heure de marche sera faite avec le moral dans les chaussettes, jamais je ne pourrai décoller. Il en faut du courage pour persévérer malgré la certitude de l’échec. En arrivant sur le terrain d’envol, le pressentiment se transforme en certitude.... Ce vent arrière m’interdit toute tentative sur ce décollage trop plat avant la falaise. Cependant, il reste encore un espoir, la couverture nuageuse se fragmente au sud, et le soleil fait de timides apparitions qui font tourner la flamme comme une girouette. Si le soleil gagne, la brise thermique devrait prendre le dessus. Alors j’étale la voile et commence une attente qui mettra mes nerfs à vif. Une première tentative se solde par un échec, juste avant de me jeter dans le trou. Lassé, je me donne une dernière chance.
Le soleil brille maintenant et la flamme s’oriente brusquement dans le bon sens. Courir dans la neige sur ce terrain trop plat demande une énergie considérable, pourtant la voile monte bien droite, je galope résolument vers la falaise, et au dernier moment enjambe la clôture au sol avant de me jeter dans le vide.... Une fois confortablement installé dans la sellette, je peux reprendre ma respiration, avant de jouir du paysage qui s’offre maintenant à moi sur 360°. Le vol ne durera pas et c’est dans un terrain glacial qui ne voit pas le soleil de la journée que je me pose, heureux d’avoir pu éviter de redescendre à pince.