Si le vent était tonitruant depuis quelques jours, il semblerait qu'il fatigue aujourd’hui, aussi n'ai-je pas répondu à l'invitation motarde pour plutôt profiter d'Eole apaisé avec le parapente. Après avoir changé dix fois d'avis ce matin sur l'objectif à atteindre, c’est vers Belledonne et plus précisément le Grand Rocher que je dirige résolument mes pas. Les champs au fond de la vallée sont en herbes hautes, ce qui ne facilitera pas la tache à l’atterrissage puisqu'il s'agit d’épargner le foin que les agriculteurs ne vont pas tarder à faucher. On trouvera bien une solution.
Le sentier monte à travers bois sur près de mille mètres de dénivelé avant d'aboutir sur une belle clairière horizontale juste sous la ligne de crête sommitale. Curieusement il n'y a pas de sentier qui mène au sommet principal sur ce versant de la montagne, aussi faut-il faire un détour par le nord afin d'emprunter les prairies les plus faciles à remonter. C'est qu'ici tout est couvert de gros rhododendrons et de genévriers touffus, si encore ils étaient en fleur, même pas ! Les dernières pentes m'auront fait suer sang et eau. Au sommet la vue sur les hauts sommets du Bréda est transcendante. La neige donne des allures presque himalayennes aux pics vertigineux, c'est impressionnant ! Ce qui est tout aussi impressionnant, c'est ce vent qui souffle sur la crête. N’étant pas Antoine Girard, notre cador national qui affûte ses muscles et son aile pour la prochaine Xalp, je n'en mène pas large...
il s'agit d’abord de trouver une pente d'envol compatible avec cette brise puissante. C'est au nord du sommet que je la trouve, belle et en herbe, ce qui est assez rare ici pour le souligner. Un couple de randonneurs pique-nique justement ici, il va falloir assurer le spectacle, ce qui ajoute encore à la pression du décollage. La clôture qui court sur toute l’arête est encore au sol, les troupeaux ne sont pas encore montés à l'estive, elle ne me gênera pas. La voile est grossièrement déballée du sac, étalée à la va comme j'te pousse dans des rafales qui font siffler les ficelles. Toutefois pour ne pas rater l'envol, je prends un minimum de précautions à présenter correctement les caissons au vent, ça risque de tirer les bretelles ! Une fois tout installé, je place mes bâtons de bois sur le fil électrique afin de bien le plaquer au sol, prends une inspiration et dès qu'une accalmie se présente, je me jette dans la pente.
Si le gonflage de la voile et l'envol se sont parfaitement déroulés, la suite n'a pas été aussi simple... Je suis parti comme un bouchon de champagne vers le haut et au bout d'une vingtaine de mètres, j'ai réalisé qu'il y avait un truc de pas normal, la voile est subitement partie en arrière et tout est devenu immobile... Ce putain de fil électrique, bien que déposé au sol, est venu se bloquer dans ma pompe gauche, me voila comme un cerf-volant sur la crête ! Ça sent le sapin tout ça ! Heureusement en secouant le pied, tout en jurant copieusement contre l'agriculture alpestre et ses exploitants, le fil électrique lâche enfin prise, me libérant d'un coup vers des cieux plus cléments... La suite du vol a été beaucoup plus sereine et même agréable par la présence de larges et doux thermiques qui ont prolongé le vol. Ce qui me permet par la même occasion de jouir encore de ce spectacle en technicolor que m'offrent les montagnes du haut Bréda.
Quant à l’atterrissage et bien c'est tout simplement sur la route que je me suis posé comme une fleur dans une brise montante chaude et régulière. Pour éviter de tremper la voile dans l'herbe encore dégoulinante des fortes pluies d'hier, j'affale la voile sur le goudron. Puisque le trafic semble pratiquement inexistant j'en profite pour plier la voile sur la route et la range dans son sac. Il ne reste plus qu'à plonger dans les eaux déjà chaudes du lac d'Allevard pour se rafraîchir des températures estivales. J'ai bien tenté d'aller voir ma filleule, mais les gorges pour rejoindre Détrier sont fermées à la circulation.