Ce qu'il y a de bien avec les Alpes, c'est qu'il y a toujours moyen de trouver un sommet à faire que vous n'avez jamais fait. Ce matin par exemple, l'objectif est la montagne d'Arvillard, un endroit hors du commun puisqu'il y avait jadis un stade de neige qui a été entièrement démonté ! C'est donc une station fantôme dont il ne reste absolument rien sinon une cabane de téléski au sommet des prairies, elle est aujourd'hui recyclée en abri pour le berger. Il y avait également une route qui montait assez haut, mais elle est maintenant fermée à la circulation après des éboulements conséquents. Étrangement je n'ai jamais gravi cette cime à pied et encore moins avec un parapente sur le dos.
C'est donc depuis le terrain d'atterrissage que commence la marche. 1300 m de dénivelé, ça use les souliers. Pour varier les plaisirs, je délaisse le sentier direct pour passer par les sources du Gargoton et le col de la Perrière. Si la première partie en sous-bois ne suscite pas de commentaire, la deuxième partie en revanche est un enchantement permanent. Des sources du Gargoton coule une eau vive et claire, le débit est impressionnant, il faut dire que l'immense cirque des Grands Moulins draine toute la fonte des névés encore bien présents dans ce versant nord. Par ailleurs la végétation dans le vallon est superbe avec des massifs énormes de rhododendrons à l'ombre des bouleaux aux troncs blancs. La combe de l'Arbert Neuf, toute en rondeurs parfumées, permet d'attendre enfin le col de la Perrière qui fait basculer le sentier sur la vallée du monastère bouddhiste de karmaLing. Mais là n'est pas la destination. Il suffit maintenant de suivre la petite crête qui vous conduit au sommet de la montagne d'Arvillard.
Si le sentier est une délicieuse promenade dans une nature intacte, la vue sur le paysage est déprimante. C'est magnifique, mais une belle mer de nuages envahit doucement les vallées... Le retour par les airs est compromis. C'est dommage car il y a de superbes décollages parfaitement orientés à la petite brise de nord qui rafraîchit l'atmosphère déjà chaude. Une visite du sommet est nécessaire pour mesurer l'étendue du désastre. Pas question de s'envoler d'en haut, et encore moins des terrains d'envol précédents car ils ne permettent pas de voir l'évolution des nuées cachées par le sommet proprement dit. Reste une solution, tenter un décollage depuis l'épaule qui surplombe la forêt. La vue y est dégagée et il existe une belle prairie bien plate pour étaler la voile.
Dix minutes plus tard me voilà 180 m plus bas à scruter l'évolution des nuages en dessous qui cachent le pied de la montagne. Ah tiens ! Une petite trouée se dégage au nord. Sans plus attendre je déplie le parapente et saute dans la sellette. Si l'opération ne dure pas plus de trois minutes, cela a suffi aux nuages pour se re-souder complètement. Toutefois mon belvédère est tellement haut que l'on doit pouvoir sauter par dessus cette ceinture de nuages. Reste à gonfler la voile sur le plateau et sauter dans la pente raide remplie de buissons odorants. Heureusement la voile se place super bien au dessus de ma tête, je me jette dans le vide en toute confiance. Après une belle accélération bien plongeante, la voile s'est mise à planer de la meilleure façon au dessus du versant ensoleillé. Il a suffi alors de contourner des énormes cumulus pour retrouver l'air limpide au dessus du terrain d'atterrissage. Un vol fantastique jusqu'à toucher le sol, aidé par une magnifique manche à air qui débute seulement à s'agiter quand j'arrive. En raison des foins qui commencent à être hauts, je vise le bord du terrain afin de faire tomber la voile sur le carré de pliage fraîchement tondu. Opération réussie.