Malédiction ! Depuis notre retour de Corse, les conditions climatiques ne sont pas fameuses pour le parapente. Le fort vent du sud oblitère toute option de vol en montagne. C'est sans compter sur la spécificité du nord Belledonne, toujours à l'abri des rafales dans cette configuration. Alors pourquoi pas essayer ? Pourtant ce matin, à la lecture des différentes balises météo, ce n'était pas gagné.
Nous voilà donc en marche dans cette région bénie aux confins de la Savoie et de l'Isère, avec nos parapentes et la furieuse envie de voler. Plusieurs chemins sont possibles pour atteindre le sommet, celui des sources du Gargoton retient notre faveur par son caractère sauvage. Le sentier se faufile dans la forêt somptueuse aux conifères géants, certes il n'est pas très roulant, d'énormes pierres encombrent la plateforme et rendent la marche délicate. Ce qui est beaucoup plus agréable, ce sont les imposants cèpes tout frais et bien charnus que nous trouvons à la lisière de la forêt. Pourtant les presque 1000 mètres de dénivelé seront vite avalés. Nous passons sous l'effrayante et austère face nord des Grands Moulins, elle génère une brise descendante aussi puissante que glaciale, peu engageante pour la suite. Cependant, une bonne nouvelle nous attend au col de la Perrière, le vent du sud est conforme à nos attentes, pas trop fort même si sa stabilité laisse à désirer. Là-haut la vue est magnifique et le retour par les airs semble possible.
Nous installons les ailes sur un tapis d'herbes sèches assez inégal et enfilons les sellettes string. Hélène décolle à la perfection malgré des rafales désorganisées de plus en plus fortes. Il est grand temps de décamper, le vent du sud se généralise sur le massif. Je termine ma préparation à toute vitesse pendant que le vent commence à tourner... le stress est au maximum, l'envol est laborieux, je crois que 10 minutes plus tard le décollage aurait été impossible ! Le vol, s'il n'est pas vraiment désagréable, reste turbulent, la faute à quelques coups de vent matérialisés par d'amples oscillations des aéronefs. Manque de pot, mon cordon d'assurance du téléphone est pété, prendre des photographies en l'air relève de la haute voltige, après quelques essais je range l'appareil avant de le perdre au-dessus des moines tibétains de Karma Ling.
Je retrouve bientôt Hélène posée dans l'herbe trempée du Molliet. Elle s'est rendu compte en vol d'une déchirure interne dans le 9eme caisson droit, datant probablement des Pyrénées. Un détour par Lumbin afin de trouver du rilstop pour une réparation de fortune est de circonstance. Mais c'est la grande fête de la coupe Icare ! Nous passons de la grande solitude au bain de foule bigarré ! Le contraste est effrayant !