Ramavoula, c'est le nom étrange d'une antécime du sommet planifié ce matin. La météo annonce 5km/h de vent du sud à la cime du Chapotet à 2076 m, alors qu'il souffle beaucoup plus fort ailleurs, c'est pourquoi je me décide pour cet objectif. La montée jusque sous Ramavoula est bucolique et calme, la suite aussi sur la crête perpendiculaire au vent du sud, c'est bon signe.
Pourtant il a fallu déchanter car subitement, presque en haut au niveau du petit lac, une brise conséquente se fait sentir. Il ne reste que 200 de dénivelé mais la force du vent ne fait qu'augmenter avec l'altitude. Au sommet, déception, il y a au moins 30 km/h de vent pas du tout constant. Si ce vent n'effaroucherait pas les champions de la XAlp, pour ma part, affronter les turbulences épouvantables sous le vent du Rognier est au dessus de mes forces. Je me contente donc d'admirer la vue qui, il faut bien le reconnaître, est stupéfiante. Le Mont Blanc porte bien son nom puisque c'est le seul sommet dans le paysage à être totalement enneigé. A l'opposé, les faces nord rayées de névés glacés des grands sommets de Belledonne montrent une âpreté sauvage impressionnante. Tout cela dans une bise rafraîchissante.
Il va bien falloir se résoudre à descendre à pince, ça tombe mal, c'est mon plus gros sommet depuis plusieurs semaines... 1300 m de dénivelation, bonjour les douleurs aux genoux ! Toutefois la beauté du site tempère mon amertume, les rodhodendrons sont en fleurs, éclaboussant de rose les étendues de steppes vert foncé !
Contre toute attente, le vent retombe alors que je marche vers la pointe de Ramavoula. La brise n'est donc gênante qu'au dessus de 2000 m. C'est juste à l'aplomb du refuge de la Grande Montagne, à 1850 m d'altitude, que je décide d'étaler la voile. Les ficelles qui sifflent dans la brise ne me rassurent pas quant à la douceur du vol. Alors que je suis paré pour le décollage, passe un groupe de randonneurs qui s'émerveillent de voir ce gros papillon prêt à l'envol, ils me bombardent de questions mais compte tenu de la pression, je n'ai pas été très loquace, ils ont dû me trouver bien mal embouché !
L'envol a été plus rapide que prévu, à peine ai-je tendu les suspentes que le vent s'est engouffré dans les caissons, décollage immédiat dans la machine à laver. Au lieu d'avancer, je ne fais que monter, mauvaise limonade, je vais droit dans la couche du fort vent du sud ! S'il n'avait pas fallu piloter l'aile, j'aurais volontiers joint les mains afin de réciter une prière. Heureusement il ne s'est rien passé de terrible, en partant vers l'ouest en crabe je finis par avancer et descendre vers des cieux plus cléments après avoir contourné la Pointe bénie de Ramavoula. La musique de Sibelius aurait été parfaite tant la fin du vol fut calme et paisible au dessus de cette immensité boisée.
Bientôt l'atterrissage approche, l'air est calme mais les champs ne sont pas encore fauchés, c'est donc au bord de la route que je me pose afin de ne pas coucher l'herbe haute.